La commission Charbonneau a exposé vendredi l'ultime magouille qui a permis au consortium SNC-Lavalin de remporter le projet de construction du superhôpital du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

En parvenant à faire passer un stationnement de huit étages pour un stationnement « souterrain », le consortium SNC-Lavalin est arrivé à épargner 25 millions de dollars. Cela lui a permis de bonifier l'ensemble de son projet, tout en restant sous le plafond de 1,3 milliard imposé par le gouvernement lorsque les deux consortiums soumissionnaires (SNC-Lavalin et OHL) ont été forcés de retourner en appel d'offres.

L'appel de propositions était pourtant clair, il fallait inclure au minimum 1800 places de stationnement souterraines et au maximum 150 places hors terre.

Lors de sa première proposition, en novembre 2009, le consortium dirigé par SNC-Lavalin avait proposé un projet de stationnement souterrain de 2640 places au coût de 97,8 millions. Lors de la deuxième ronde d'appel d'offres, en mars 2010, le coût du stationnement de 2735 places était de 71,9 millions. Entre-temps, le stationnement était devenu étagé.

Dérogation

Pour y parvenir, le consortium SNC-Lavalin a obtenu une dérogation qui lui a permis de faire baisser significativement le nombre de places souterraines. La demande de dérogation a été signée par le bras droit du DG du CUSM Arthur Porter, Yanai Elbaz.

Selon un dirigeant de l'Agence des PPP du Québec, interrogé par les enquêteurs de la Commission, le consortium rival OHL aurait dû être mis au courant de la dérogation accordée à SNC-Lavalin.

Un dirigeant de OHL a également affirmé que l'entreprise avait aussi demandé à construire un stationnement hors terre, ce qui lui a été refusé. « Clairement, sa compréhension était qu'on exigeait un stationnement souterrain. Il a été étonné par la suite, en passant en voiture devant le chantier, de voir ce stationnement étagé sortir de terre », a expliqué l'enquêteur de la commission Charbonneau, André Noël, qui témoigne depuis vendredi.

Conflit d'intérêts?

La construction d'un stationnement souterrain respectait le règlement municipal de l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG).

La commission Charbonneau a découvert que l'urbaniste Marc Perreault jouait le rôle de consultant à la fois auprès du CUSM et du consortium SNC-Lavalin. Perreault a dit aux enquêteurs que son code d'éthique lui permettait d'être consultant pour le donneur d'ouvrage et le promoteur s'il avait leur accord.

Marc Perreault est parvenu à convaincre les urbanistes d'arrondissement de CDN-NDG que le stationnement de huit étages était « souterrain ». Pourtant, les règles établies par l'Agence des PPP interdisaient aux soumissionnaires de contacter l'arrondissement.

Le terrain de l'ancienne gare de triage Glen est en pente. Son niveau le plus bas, qui longe la rue Saint-Jacques, est environ au niveau de la mer. Son point culminant, qui longe l'autoroute Décarie, est à 48 m au-dessus du niveau de la mer. Or, l'autoroute Décarie est située à 500 m de l'emplacement prévu pour le stationnement.

Les urbanistes de l'arrondissement ont accepté le raisonnement selon lequel tout ce qui mesure moins de 48 m sur le site Glen est considéré comme en « sous-sol ».

« Comment peut-on prendre Décarie comme point de référence plutôt que Saint-Jacques? », a soulevé André Noël.

Selon le code de construction, le niveau du sol arrive dans les faits à la mi-hauteur du premier étage du stationnement.

Rappelons que la police a déjà arrêté plusieurs personnes dans le scandale du CUSM. Les autorités pensent que SNC-Lavalin aurait versé des pots-de-vin de 22,5 millions pour obtenir le contrat. Huit personnes sont présentement accusées de fraude, complot, abus de confiance et commissions secrètes et recyclage des produits de la criminalité dans cette affaire, mais aucun procès n'a eu lieu pour l'instant.

La commission Charbonneau reprend ses audiences mardi. D'autres témoins viendront confirmer et enrichir le portrait brossé par les enquêteurs.