Sans y investir un sou, le défunt chef de la mafia montréalaise, Vito Rizzuto, tirait toutes les ficelles du projet de construction de condos de luxe au 1000 de la Commune, s'enrichissant au passage pour son rôle « d'arbitre » entre les différents partenaires.

Une série d'écoutes électroniques diffusée aujourd'hui à la commission Charbonneau, mettant en vedette nul autre que l'ancien parrain de la mafia et son fils Nick Jr, a levé le voile sur la façon dont le clan Rizzuto parvenait à s'enrichir dans l'industrie de la construction sans laver d'argent sale.

L'enquêteur de la commission Charbonneau, Éric Vecchio, est venu remettre en contexte ces conversations, qui ont été enregistrées en 2003 et 2004, dans le cadre du projet Colisée.

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Éric Vecchio

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Le 1000 de la Commune.

Au départ, c'est l'entrepreneur Tony Magi qui pilotait la transformation de l'ancien entrepôt frigorifique du Vieux-Port en condos de luxe. Situé au 1000 de la Commune, cet immeuble prestigieux de 200 logements est aujourd'hui habité par des vedettes, des avocats, des hommes d'affaires, mais aussi par plusieurs personnes associées au crime organisé.

Une «forteresse» appréciée des criminels



Dès le début du projet, Tony Magi éprouve des difficultés financières. Il a 60 jours pour rembourser un prêt important. C'est à ce moment que Rizzuto entre en scène.

« Le crime organisé, c'est lorsqu'il y a des litiges qu'il en tire le plus d'avantages. Il tente de s'infiltrer dans ce genre de situation », a expliqué l'enquêteur Vecchio. « Le crime organisé est un gouvernement parallèle qui marche sur le principe du parasitisme. On n'est pas là pour vous faire faire de l'argent, on est là pour vous saigner à blanc », ajoute-t-il.

Vito Rizzuto se met alors à « tirer les ficelles » pour recruter des partenaires financiers qui pourront sauver Magi de la faillite. Il joue ensuite le rôle de médiateur pour régler les conflits entre les différents partenaires financiers.

Les promoteurs Terry Pomerantz et Giorgio Tartaglino accepteront de financer le projet. En contrepartie, Magi doit céder 18% de ses parts. Rizzuto remportera 6% pour son rôle « d'arbitre » dans le dossier, tandis que l'associé de Tartaglino Tony Renda et un autre investisseur nommé Michele Argento se diviseront le reste du gâteau.

« Dans ce dossier, Rizutto n'agit pas à titre d'entrepreneur, c'est la personne ressource à qui ils se réfèrent », a précisé l'enquêteur Vecchio.

Nouvelles méthodes

Selon Vecchio, cet exemple illustre comment le crime organisé italien tire son profit dans l'industrie de la construction. « À ce niveau-ci, on ne parle pas d'activités criminelles, explique-t-il. Les Rizzuto ne s'en servent pas pour blanchir de l'argent. Au contraire, ils ne mettent pas un sou. Ils facturent des frais d'arbitrage, donc ils récoltent une cut sur tout ce qu'il se fait. Ils n'investissent pas grand-chose, mais ils récoltent. »

Selon l'enquêteur Vecchio, les méthodes du crime organisé italien ne cessent de se raffiner. « Des sous-sols remplis de billets de banque, c'est révolu. Aujourd'hui on est passé au-delà de ça, l'argent revient déjà blanchi », a-t-il ajouté.  « Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas d'argent liquide qui circule, mais plus au niveau de la base, pas à ce niveau-là. »

Même lorsqu'il sera incarcéré en 2004 en attente de son procès d'extradition vers les États-Unis, Rizzuto continuera d'être le « chef d'orchestre » du 1000 de la Commune, montrent les écoutes électroniques diffusées aujourd'hui à la commission. Son fils, Nick Jr, sera alors impliqué dans le projet.

Selon l'enquêteur Vecchio, le but de Vito Rizzuto était ultimement d'écarter Magi pour prendre tout le contrôle du projet.