Avant même d'ouvrir officiellement le chapitre sur le financement politique, la commission Charbonneau en a déjà beaucoup entendu. Plusieurs témoins ont montré du doigt l'appétit des partis provinciaux pour certaines pratiques aujourd'hui dénoncées.

L'enquête publique a démontré que près d'une trentaine de ses témoins - ou leurs proches - ont contribué régulièrement aux partis provinciaux depuis 1997. Leurs dons totalisent tout près de 4 millions. Plusieurs d'entre eux ont admis l'avoir fait illégalement, que ce soit en obtenant un remboursement ou en recourant à des prête-noms ou à de la fausse facturation.

L'entrepreneur Joe Borsellino, qui a reconnu sa participation à la collusion, n'a pas hésité à décrire le financement illégal comme le «modèle d'affaires des partis politiques».

80% pour le parti au pouvoir

Si le Parti libéral du Québec (PLQ) semble avoir été le principal bénéficiaire de ce financement, c'est simplement parce qu'il formait le gouvernement, a résumé l'organisateur politique Gilles Cloutier. «C'est sûr que le parti au pouvoir avait 70-80% du financement, puis la balance, bien c'était au Parti québécois puis à l'ADQ», a-t-il déclaré en mai 2013.

Plusieurs entrepreneurs ont affirmé s'être sentis obligés de financer les partis. S'ils ont assuré qu'ils n'ont pas contribué au financement des partis pour obtenir des contrats, c'était à tout le moins pour ne pas en perdre. «Ce n'est pas par conviction politique que je donne à un parti, ADQ ou PLQ», a d'ailleurs déclaré Pierre Lavallée, ex-président de BPR. Même si le témoin se dit péquiste, sa firme de génie a pris soin de donner aux trois principaux partis provinciaux.

La Commission a démontré que les principales firmes de génie québécoises avaient mis en place un système pour participer au financement illégal des partis. Un ex-vice- président de SNC-Lavalin a ainsi expliqué qu'une cinquantaine de cadres servaient de prête-noms sur une base régulière. Ceux-ci donnaient le maximum permis par la loi à l'époque, soit 3000$, pour ensuite recevoir un boni visant à les rembourser. Yves Cadotte a reconnu que sa firme agissait ainsi «pour avoir des contrats ultimement».

Chez Dessau, Rosaire Sauriol a expliqué à la Commission avoir recouru à la fausse facturation pour dégager de l'argent comptant afin de rembourser les employés servant de prête-noms à sa firme. D'autres entreprises remboursaient leurs employés en falsifiant leurs allocations de dépenses, notamment en gonflant le remboursement du kilométrage automobile.