Le directeur général de la FTQ-Construction, Yves Ouellet, « comprend » la frustration des comités de chômeurs qui ont mené des actes d'intimidation, de vandalisme et de violence sur les chantiers de la Côte-Nord pour s'opposer à la présence de travailleurs de l'extérieur de la région. Il estime par ailleurs que l'homme qui dirigeait ces comités, Bernard Rambo Gauthier, est un représentant syndical « dévoué » qui défend bien l'intérêt de ses membres.

« Je ne cautionne pas l'intimidation, mais leur frustration, je la comprends en maudit », a-t-il déclaré hier, en entrevue avec La Presse, la première qu'il donne depuis la fin du volet syndical à la commission Charbonneau. « Ce n'est pas croyable qu'il y ait des gens qui ne travaillent pas à temps plein en ce moment sur la Côte-Nord. Ils sont en maudit. Je le serais, moi aussi », a-t-il ajouté.

Selon Yves Ouellet, impossible de régler le problème de l'intimidation sans s'attaquer à celui de la « mobilité provinciale ». « Que la FTQ-Construction soit là ou pas, les comités de chômeurs seraient là quand même », croit-il.

La mobilité provinciale est une clause dans les conventions collectives (négociée avec les syndicats au tournant des années 2000) qui permet aux employeurs de faire venir leurs propres ouvriers lorsqu'ils obtiennent un contrat dans une région autre que la leur.

« Disons que j'habite à Sept-Îles et que ça fait un bout que je n'ai pas travaillé, et que là c'est un entrepreneur de Beaconsfield qui remporte le contrat pour refaire la rue devant chez moi. Je vais voir le gars et je lui dis que je suis capable de conduire la machinerie et il me répond : «je ne veux pas de toi» alors que je suis assis sur mon balcon », a-t-il illustré en exemple. « Je serais pire peut-être, les fils se toucheraient. Je ne serais pas capable d'accepter ça. Je ne dis pas que toutes les méthodes sont bonnes. Ce qui me fatigue, c'est pourquoi on en est rendus là. »

Yves Ouellet n'a pas précisé le ratio de travailleurs locaux qu'il faudrait imposer aux entrepreneurs, puisqu'un comité se penche actuellement sur cette question.

Rambo fait un bon travail

Le directeur général de la FTQ-Construction estime que le dirigeant syndical Bernard Gauthier, dont les méthodes musclées ont été placées sous les projecteurs de la commission Charbonneau au cours des dernières semaines, y a livré un témoignage honnête.

« Il a expliqué la problématique de sa place. Il a sûrement ouvert les yeux à beaucoup de monde », a-t-il affirmé.

Fait-il du bon travail ? « M. Gauthier, c'est quelqu'un que tu peux appeler à une heure du matin, c'est une personne dévouée autant que tous les autres représentants de la Côte-Nord. Est-ce qu'il fait sa job ? Oui. Est-ce qu'il répond à ses membres ? Oui. Est-ce qu'il est disponible pour ses membres ? Oui. S'il ne travaillait pas pour ses membres, il ne travaillerait pas. »

Bernard Gauthier est le représentant du local 791 des opérateurs de machinerie lourde de la Côte-Nord. Devant la commission Charbonneau, il a reconnu avoir mené des arrêts de travail illégaux et usé d'intimidation. Il a cependant indiqué qu'il n'avait jamais été sanctionné, ni par son local syndical ni par la FTQ-Construction.

« Bernard Gauthier n'est pas à mon emploi. Ceux que j'ai le droit de mettre dehors, ce sont les gens sur mon payroll. Il y a 17 locaux dans la FTQ-Construction. Ils engagent leurs représentants et ils sont sous leur responsabilité. C'est eux qui ont le droit de les mettre à pied ou de les sanctionner. »

Yves Ouellet précise que l'industrie de la construction compte près de 175 000 travailleurs et 35 000 entreprises. « Ce qui est le plus frustrant dans ce qui est dépeint en ce moment, c'est comme si les chantiers de construction du Québec étaient à feu et à sang et qu'il y avait de l'intimidation partout. Ce n'est pas vrai pantoute. J'ai été 7 ans sur les chantiers et je n'ai pas vu une tape sur la gueule se donner. »

Yves Ouellet fustige Diane Lemieux

Yves Ouellet croit que la présidente de la Commission de la construction du Québec (CCQ), Diane Lemieux, doit cesser de s'acharner contre la FTQ-Construction.

Samedi, elle affirmait avoir à l'oeil les syndicats et les individus qui contribuent au régime de terreur sur les chantiers. « C'est exaspérant. Si la CCQ pense qu'en s'acharnant sur la FTQ-Construction on va arrêter de défendre nos membres, elle se trompe. » Selon la CCQ, le problème de la mobilité provinciale est un faux problème puisque 88% des travailleurs de la construction qui habitent sur la Côte-Nord ont occupé un emploi dans leur région en 2013. De plus, le taux de chômage, en janvier dernier, y était deux fois moins élevé qu'en Gaspésie (7,8% contre 16,6%).

« Moi, madame Lemieux, les chiffres, j'en ai plein mon casque. Les chiffres, ont leur fait dire ce qu'on veut. Les députés, les maires, les préfets, le monde des affaires, les compagnies, les unions: tout le monde dit on a un méchant problème et Mme Lemieux arrive et dit : Coucou! Personne n'a raison, vous êtes tous dans le champ. »

Distribution de drogues

Yves Ouellet a aussi réagi à la diffusion d'une écoute électronique dans laquelle Gilles Audette, le conseiller politique de l'ancien président de la FTQ Michel Arsenault, affirme que la distribution de drogue passe par les délégués syndicaux sur certains chantiers. « Je ne vais pas dire qu'il n'y a pas de drogue sur les chantiers, mais que des délégués passent de la drogue sur les chantiers, on est loin de la réalité. Penses-tu vraiment qu'ils ont besoin de faire ça? » À son avis, la FTQ-Construction a si mauvaise presse qu'elle est accusée de tous les torts. « S'il fallait qu'une bombe atomique tombe sur le Québec, ils réussiraient à dire que c'est la FTQ-Construction! »