Le syndicat des soudeurs et tuyauteurs (section locale 144) affilié au Conseil provincial (International) des métiers de la construction est plusieurs fois millionnaire. Sous la gouverne de Gérard Cyr, qui a été ciblé à la commission Charbonneau pour avoir empoché des pots-de-vin, la section locale 144 a accumulé 29,7 millions de dollars dans ses coffres.

C'est ce que démontrent les états financiers du local 144 pour l'année 2012 que La Presse a pu consulter. Il ne s'agit pas d'un fonds de grève, mais bien d'un pactole accumulé au fil des ans. Les états financiers de 2011 et 2012 indiquent une progression de plus de 5 millions de l'actif net, qui s'établit à 29 749 423$.

Cette somme correspond notamment à des placements de 21,5 millions, une encaisse de 4,8 millions, des fonds détenus en fidéicommis (1,2 million) et des immobilisations.

Le document, signé par le cabinet comptable Hubert Crispo, laisse voir des revenus issus principalement des cotisations des travailleurs. Ces cotisations s'élèvent à 6,5 millions, en hausse de 800 000$ par rapport à l'année précédente. De cette somme, le local 144 a versé 2,3 millions en salaires et charges sociales et plus d'un demi-million pour les relations extérieures.

Au 31 décembre 2012, la section locale 144 a payé 514 000$ en indemnités de départ. L'année précédente, une enveloppe de 469 000$ avait été affectée pour ces primes. Il a toutefois été impossible de savoir quels ont été les mouvements de personnel exacts liés à ces dépenses.

Pour la même année, l'International détenait 10,1 millions. C'est ce que l'on peut lire dans les états financiers du syndicat que La Presse a obtenus. Ni la centrale ni la section locale 144 n'ont accepté de commenter leur situation financière.

Vérification externe

L'International a toutefois confirmé à La Presse qu'il avait décidé de soumettre à une vérification externe ses états financiers des cinq dernières années. Confrontée aux allégations de pots-de-vin qu'aurait encaissés son ancien dirigeant, la centrale n'avait vraisemblablement pas le choix afin de s'assurer que ses états financiers reflètent bien la réalité.

L'International s'est borné à dire qu'il s'agissait d'«une vérification en profondeur parce qu'on reconnaît la gravité des allégations». La semaine dernière, le syndicat des soudeurs et tuyauteurs (local 144) a également décidé de faire appel à des experts pour vérifier que tout est en ordre.

Ce sont les témoignages entendus à la commission Charbonneau concernant Gérard Cyr qui ont poussé la centrale syndicale et la section locale 144 à agir de la sorte. M. Cyr, qui dirigeait les deux entités syndicales jusqu'à l'automne dernier, aurait empoché des pots-de-vin d'au moins 1,2 million de dollars. L'entreprise Ganotec aurait accepté de verser un pourcentage de ses contrats, obtenant en contrepartie la paix syndicale sur ses chantiers.

L'International et la section locale 144 soutiennent avoir adopté de nouvelles pratiques et miser sur la transparence. Ils insistent pour rappeler que les allégations ne visent qu'un individu, Gérard Cyr, et non les organisations syndicales.