Le coût des travailleurs embauchés en surnombre sur le chantier de la centrale Péribonka afin de maintenir la paix syndicale a été évalué à près de 4,2 millions $ par l'entreprise Bauer. La compagnie allemande a refilé la note à Hydro-Québec, mais dans le cadre d'une entente globale qui incluait d'autres dûs, a indiqué Jacques Sainte-Marie, ancien dirigeant de Bauer, qui a témoigné aujourd'hui à la commission Charbonneau.

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Appelée à réagir, la société d'État a refusé, par la voix de sa porte-parole Marie-Élaine Deveault, de dévoiler le montant exact défrayé par les contribuables.

Jacques Sainte-Marie a été directeur de projet pour Bauer sur le chantier Péribonka, au Saguenay - Lac-Saint-Jean, de août 2005 à octobre 2006.

Ce dernier a expliqué que la FTQ et la CSN - les deux principaux syndicats qui oeuvraient sur le chantier - voyaient d'un très mauvais oeil l'arrivée de travailleurs étrangers, estimant qu'ils «volaient des jobs aux Québécois ».

Résultat : « On était à couteaux tirés. Ça se sentait du bout des doigts, c'était comme une bombe », a relaté Sainte-Marie, qui affirme avoir lui-même subi des menaces et des pressions pour embaucher des ouvriers québécois, même lorsqu'ils seraient inutiles.

La FTQ-Construction est finalement parvenue à négocier que des travailleurs québécois « accompagnent » les travailleurs étrangers. Ainsi, pour chaque duo allemand d'opérateurs de haveuse, on jumelait un grutier québécois et ce, même si les normes prévoient qu'il ne faut que deux travailleurs pour opérer ce type de machinerie.

Selon Sainte-Marie, le travail était parfois subdivisé en deux ou en trois et plusieurs travailleurs avaient peu de tâches à effectuer durant la journée.

Selon un document déposé cet après-midi à la commission Charbonneau, les « coûts résultant des problèmes de relation de travail » se sont élevés à 789 497 $ pour les grutiers payés en double, 890 997 $ pour les mécaniciens et 2,3 millions $ pour d'autres types de métiers.

Hydro-Québec savait

Il se dégage du témoignage de Jacques Sainte-Marie que le climat sur le chantier de la Péribonka était « anormalement » tendu.

En octobre 2005, il a d'ailleurs envoyé une lettre à un responsable d'Hydro-Québec pour lui fait part de ces tensions. « Nous avons subi, à coups d'intimidations verbales et de chantages à l'arrêt des travaux, l'ingérence de délégués syndicaux dans la gestion du personnel et dans la gestion des travaux. Des menaces directes ont été proférées à nos employés, incluant des menaces d'expulsion du chantier à l'encontre de nos responsables étrangers et des menaces physiques à l'encontre de nos employés québécois », peut-on lire dans la missive.

Sainte-Marie a par la suite organisé des réunions environ deux fois par semaine avec des représentants de la société d'État et des syndicats afin de «calmer les choses».

À une occasion, Hydro-Québec a fortement suggéré à Bauer de garder un délégué de chantier de la FTQ-Construction inutile afin de maintenir la paix. 

Sainte-Marie contredit l'enquêteur Comeau

La semaine dernière, un enquêteur de la commission, Michel Comeau, a relaté que 12 grutiers québécois avaient été payés « à ne rien faire » durant près deux ans sur le chantier Périboka.

Il a déclaré que la FTQ-Construction était parvenue à négocier qu'un employé québécois « accompagne » chaque duo de grutiers allemands. Mais Bauer voulant garder sa technologie secrète, de 2005 à 2007, les grutiers québécois ont été payés pour « jouer aux cartes » ou « dormir » dans leurs roulottes. Deux grutiers ont même affirmé avoir été payés à temps double le week-end à ne rien faire chez eux.

« Je n'ai pas vu ça », a déclaré Jacques Sainte-Marie ce matin. « À ma connaissance, ce n'est jamais arrivé. »

Il a cependant reconnu que les grutiers québécois n'étaient pas très actifs, se contentant surtout d'aider à changer les lames des haveuses.

Dans sa lettre à Hydro-Québec d'octobre 2005, Sainte-Marie était pourtant allé plus loin : « Nous avons accepté de créer des postes, qui n'étaient ni nécessaires ni justifiés, pour des travailleurs québécois en les jumelant à nos spécialistes étrangers, leur rôle se limitant à regarder ce que font ces spécialistes, avait-t-il écrit. Malheureusement, malgré tous nos efforts, les syndicats ne nous laissent pas organiser notre chantier comme nous l'entendons. »

France Charbonneau lance un appel à la population

La juge Charbonneau a pris la parole avant le début des audiences de la commission pour annoncer que la commission tiendrait des audiences publiques cet automne. Elle a invité les citoyens et organismes à déposer des mémoires pour y exprimer leurs recommandations. Déjà, la commission a reçu plus de 6000 messages, courriels et appels, a-t-elle mentionné.