L'ex-directeur général de la FTQ-Construction, Jocelyn Dupuis, s'est entouré de «poteaux» au sein de son comité de direction pour assurer sa mainmise sur le Fonds de solidarité, a relaté ce matin le syndicaliste Ken Pereira devant la commission Charbonneau. Les dirigeants du syndicat ont aussi placé beaucoup de leurs proches à la Commission de la construction du Québec (CCQ).

À la 4e journée de son témoignage, dont une partie pourrait être frappée d'une ordonnance de non-publication cet après-midi, Ken Pereira a abordé ce matin les changements de directeurs orchestrés par Jocelyn Dupuis. Le témoin a expliqué comment son ancien chef syndical s'est entouré d'hommes de confiance, qu'il a décrits comme des «poteaux».

Plusieurs anciens directeurs de locaux se sont fait offrir des cadeaux pour quitter leurs fonctions, comme de l'argent ou des véhicules. Lorsque l'un d'eux refuse, Gérard Cyr, un homme est mandaté pour le tabasser. «Jocelyn Dupuis voulait que je crisse une volée à Gérard Cyr», lui aurait un jour confié Dominique Bérubé, un colosse reconnu pour sa force. Celui-ci aurait refusé de s'en prendre à un homme de 60 ans.

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Le témoin a dit avoir compris après une partie de golf à l'été 2007 que Jocelyn Dupuis s'intéresse avant tout au Fonds de solidarité. Les langues déliées par l'alcool, les deux hommes se confrontent sur l'avenir du local syndical que dirige Ken Pereira, déçu du manque de soutien de son directeur. Sa réponse le renverse : «J'ai accès à 500 millions de dollars. Arrête de penser juste à tes affaires. On a des affaires plus importantes.»

«Les travailleurs, c'est pas de la viande avariée», s'indigne aujourd'hui Ken Pereira.

Le témoin s'est également indigné de constater que plusieurs dirigeants de la FTQ comptaient des proches à la CCQ, organe responsable de surveiller l'industrie de la construction. Il a énuméré une longue liste de syndicalistes dont les enfants ou la conjointe y oeuvrent.

Signe de l'influence jouée par Dupuis, une serveuse reconnaît un jour Ken Pereira des reportages à la télévision dans lesquels il dénonçait le système syndical. Elle lui révèle avoir obtenu un emploi à la CCQ grâce à l'ex-directeur général de la FTQ-Construction malgré son absence de toute compétence en la matière. Elle a même fini par quitter cet emploi, estimant ne pas être à sa place. Dupuis lui aurait offert un nouvel emploi, cette fois de secrétariat à la FTQ.

Panique à la FTQ

Ken Pereira a détaillé comment les reportages de l'émission Enquête ont semé la panique à la FTQ. Alors que sa femme est hospitalisée, l'attaché politique du président de la centrale, Gilles Audette, insiste pour rencontrer Pereira. Dans sa voiture, il lui demande d'appeler sur le champ une journaliste de Radio-Canada pour tenter de découvrir le sujet de ses enquêtes. Il veut aussi savoir ce qu'elle sait au sujet d'un certain Denis Vincent, un pilote d'hélicoptère proche des Hells Angels qui gravitait autour du Fonds de solidarité de la FTQ.

Le témoin a dit avoir appelé au bureau de la journaliste, sachant très bien qu'elle n'y serait pas. «De toute façon, les journalistes me donnent pas d'information. Les journalistes veulent de l'information, ils n'en donnent pas.»

Le syndicaliste Ken Pereira continue aujourd'hui à lever le voile sur les pratiques douteuses à la FTQ-Construction devant la commission Charbonneau. Une partie de son témoignage explosif pourrait être frappée d'une ordonnance de publication en raison de certaines informations touchant des procès en cours.