Cinq ingénieurs municipaux soupçonnés d'avoir pris part à la collusion et la corruption sont traduits devant le conseil de discipline de l'Ordre des ingénieurs. Faisant face à 20 plaintes, ceux-ci pourraient être radiés à vie ou se voir révoquer leur permis d'exercice.

L'Ordre des ingénieurs dit avoir ouvert des enquêtes sur pas moins de 450 de ses membres dans la foulée des travaux de la commission Charbonneau où un vaste stratagème de collusion et de corruption a été exposé. Une centaine d'enquêtes touche des cas de collusion et de corruption tandis que 350 concernent des contributions politiques illégales. «Sur 60 000 membres, c'est une minorité, mais une minorité qu'on préfèrerait ne pas avoir», a indiqué le président de l'Ordre, Daniel Lebel.

Les cinq premiers ingénieurs à faire les frais de cette vague d'enquête sont Robert Marcil, Luc Leclerc, Gilles P. Vézina, Claudio Balliana et André Lebeuf. Les quatre premiers étaient à l'emploi de la Ville de Montréal tandis que le dernier travaillait pour Saint-Jean-sur-Richelieu.

On leur reproche d'avoir dérogé au Code des professions ou au Code de déontologie des ingénieurs, notamment en acceptant des avantages ou cadeaux et d'avoir manqué d'intégrité. «L'Ordre a pris l'engagement de déployer les moyens nécessaires pour que des enquêtes rigoureuses soient menées à bien et que les ingénieurs ayant commis des gestes potentiellement répréhensibles soient jugés par leur Conseil de discipline», a déclaré M. Lebel.

La majorité des 20 plaintes portées hier découlent d'informations mises à jour à la Commission. L'Ordre dit toutefois avoir poussé l'enquête plus loin et a ainsi pu cibler des faits jamais rendus publics.

Les plaintes seront entendues par le Conseil de discipline, qui aura la responsabilité de déterminer les sanctions à imposer aux ingénieurs reconnus fautifs.

Ex-directeur des travaux publics de Montréal, Robert Marcil a reconnu devant la commission Charbonneau avoir fait un voyage en Italie dont une large partie des frais a été couverte par l'entrepreneur Joe Borsellino. L'enquête publique a aussi souligné plusieurs échanges téléphoniques entre l'ingénieur et des entrepreneurs qui prenaient part à des appels d'offres de la métropole.

L'ingénieur à la retraite Luc Leclerc a reconnu pour sa part à la Commission avoir collaboré avec des entrepreneurs pour l'octroi de faux extras. Il a affirmé avoir reçu des centaines de milliers de dollars en pots-de-vin.

L'ingénieur Gilles Vézina, qui a pris sa retraite alors qu'il était suspendu par la Ville de Montréal, a reconnu lors de son témoignage avoir reçu de nombreux cadeaux. Il a toutefois toujours nié fermement avoir pris part à la collusion.

Même s'il n'a pas été appelé à témoigner, le nom de Claudio Balliana a surgi lors de la Commission lorsque l'un de ses courriels a été présenté. Le fonctionnaire de la division des travaux publics de Montréal a écrit à l'entrepreneur Nicolo Milioto pour le conseiller sur une soumission.

Quant à André Lebeuf, son nom n'a pas fait surface à la Commission. Cet ancien fonctionnaire de St-Jean-sur-Richelieu, arrêté en septembre 2009, a été reconnu coupable en juin dernier d'abus de confiance. Il dirigeait l'usine d'épuration des eaux de St-Jean jusqu'à son congédiement le 10 juillet 2010. Il était soupçonné d'avoir perçu des sommes d'argent et des cadeaux d'un fournisseur de l'usine.

André Lebeuf doit recevoir sa sentence le 7 octobre prochain. Il devra répondre de deux plaintes à son conseil de discipline pour avoir omis d'informer l'Ordre des ingénieurs de sa condamnation, une obligation qu'il avait en vertu du Code des ingénieurs.

Les ingénieurs ciblés

Robert Marcil : 3 plaintes pour s'être placé dans une situation de conflit d'intérêts, ne pas avoir fait son travail avec intégrité et avoir accepté un avantage.

Luc Leclerc : 7 plaintes pour ne pas avoir fait son travail avec intégrité, avoir recouru à des procédés malhonnêtes ou douteux, avoir accepté un avantage, s'être placé en conflit d'intérêts et ne pas avertir le syndic qu'il croyait qu'un ingénieur enfreignait le règlement.

Gilles Vézina : 4 plaintes pour avoir accepté un avantage, avoir donné des conseils contradictoires ou incomplets, avoir utilisé des plans qu'il savait ambigus et avoir recouru à des procédés malhonnêtes ou douteux.

Claudio Balliana : 4 plaintes pour avoir manqué à l'honneur ou à la dignité de sa profession, avoir accepté un avantage, ne pas avoir agi avec intégrité, avoir recouru à des procédés malhonnêtes ou douteux et s'être placé en conflit d'intérêts

André Lebeuf : 2 plaintes pour avoir omis d'informer l'Ordre dans un délai de 10 jours qu'il avait été condamné pour une infraction

Photo capture d'écran La Presse

Luc Leclerc 

PHOTO FRANCOIS ROY, LA PRESSE

Gilles Vézina