Trois conseillers lavallois, Richard Goyer, Benoit Fradet et Basile Angelopoulos, ont confirmé avoir servi de prête-nom pour le parti de l'ex-maire Vaillancourt.

Ils viennent ainsi corroborer le témoigne explosif de Jean Bertrand qui a affirmé avoir remboursé la quasi-totalité des dons des élus de Laval.

Longtemps pressenti pour succéder à Gilles Vaillancourt, Basile Angelopoulos a reconnu avoir servi de prête-nom. Cet avocat de profession a toutefois dit ignorer que cette pratique était illégale, une déclaration qui a fait bondir la juge Charbonneau. «Vous êtes avocat, vous ne pouvez pas nous dire que vous ne le saviez pas.» «Factuellement, c'est le cas», s'est défendu l'élu siégeant toujours à l'hôtel de ville.

Basile Angelopoulos a nié avoir été prévenu par Jean Bertrand que l'argent provenait d'ingénieurs. Il dit plutôt avoir été informé que des compatriotes souhaitaient contribuer sans que leurs noms apparaissent dans les états financiers du parti.

Plus tôt, la Commission a entendu le conseiller Benoit Fradet admettre avoir servi de prête-nom pour les 30 000$ versés par lui et ses proches au PRO des Lavallois. «J'ai été remboursé pour ces contributions», a dit cet ancien député libéral.

Cet actuel membre du comité exécutif de Laval a toutefois nié que Jean Bertrand l'avait prévenu que cette pratique était illégale. «Ça nous a été présenté en disant que tout le monde le fait. On ne m'a pas donné l'option de ne pas le faire. Je sais que c'est pas correct, mais il faut comprendre le contexte», s'est-il défendu.

Benoit Fradet reconnaît avoir réclamé une déduction d'impôts pour ses contributions, une fraude fiscale.

Plus tôt, un ex-conseiller municipal a lui aussi reconnu avoir servi de prête-nom. «Il y a eu des contributions de prête-noms dont tout le monde parle», a confirmé Richard Goyer, qui a été conseillé municipal à Laval de 1986 à 2005. L'homme qui travaille aujourd'hui comme entrepreneur en construction dit qu'il savait à l'époque que ce n'était pas «légal-légal».

Selon les données du Directeur général des élections, Richard Goyer a contribué pour 22 5000$ au PRO des Lavallois. Seul un don de 1000$ fait en 2007 n'a pas été remboursé, a-t-il précisé.

L'ex-conseiller ne se rappelle pas comment il a commencé à servir de prête-nom, mais sait pourquoi il a continué à participer au stratagème. «Quand tu l'as fait une fois, comment tu fais pour dire non?» a-t-il dit.

Le remboursement des contributions se faisait lors de séances mensuelles du conseil municipal. Goyer dit qu'il se rendait dans une pièce avec Jean Bertrand où celui-ci lui remettait une enveloppe de quelques milliers de dollars. «C'était rendu banal, ça devenait une mauvaise habitude», a dit le témoin.

Outre Goyer, au moins quatre autres conseillers viendront s'expliquer sur leurs contributions politiques. Il s'agit de Benoit Fradet, Basile Angelopoulos, Jocelyne Guertin et Ginette Legault Bernier.

Lors de son témoignage Jean Bertrand avait évalué avoir remboursé de 600 000$ à 900 000$ aux élus du PRO. Les données du DGEQ indiquent que les conseillers ont contribué pour un total de 520 100$ de 1998 à 2010.

Rappelons que, pointé du doigt pour sa participation au stratagème, Alexandre Duplessis a fermement nié avoir été impliqué. Il n'avait toutefois offert aucune explication, disant que des élus viendraient donner leur version à l'enquête publique. «À ce jour, l'ancien agent officiel du parti a donné sa version des faits et sa version est sa vérité. Nous aurons nous aussi l'occasion de donner notre version», a simplement répondu le maire par intérim.

Vaillancourt voulait continuer à tirer les ficelles à Laval

Par ailleurs, la Commission a appris ce matin que Gilles Vaillancourt a tenté de continuer à tirer les ficelles à l'hôtel de ville après sa démission. Jean Bertrand dit avoir été témoin d'une conversation entre l'ex-maire et son dauphin, Basile Angelopoulos, qui devait reprendre les rênes de la Ville.

La commission Charbonneau a repris ses audiences publiques ce matin après une semaine de pause. L'ex-agent officiel du PRO des Lavallois, Jean Bertrand, a relaté les circonstances ayant mené à son départ. Il a notamment indiqué avoir eu une rencontre avec Gilles Vaillancourt peu après son départ en novembre 2012.

D'entrée de jeu, l'ex-maire lui demande son téléphone cellulaire et place un appel à Basile Angelopoulos, qui est pressenti pour lui succéder. Vaillancourt lui prodigue divers conseils, notamment de nommer rapidement son comité exécutif, sa garde rapprochée.

Après son appel, Gilles Vaillancourt demande à Jean Bertrand que le PRO des Lavallois paie les honoraires de ses avocats. Jean Bertrand dit avoir refusé, estimant que la dépense était injustifiable.

Le parti avait pourtant déjà couvert les frais d'avocats qu'avait encouru l'ex-maire après que l'ex-député Serge Ménard ait affirmé publiquement en 2010 que Gilles Vaillancourt lui avait tendu une enveloppe remplie d'argent. Le PRO a remboursé pour 40 000 $ aux avocats de l'ex-maire même si aucune poursuite n'a été engagée. Jean Bertrand estime que cette dépense était justifiable puisque le chef du parti était alors attaqué.

Un «bénévole» à 40 000 $

Jean Bertrand a également reconnu avoir empoché 40 000 $ en argent comptant pour son travail «bénévole» au sein du parti de l'ex-maire Gilles Vaillancourt, mais a nié avoir servi de collecteur même s'il a transporté des enveloppes remplies de billets.

En mai 2006, Jean Bertrand décide de ralentir la cadence de son travail d'avocat. Il ferme son cabinet et se joint à la firme Dunton-Rainville «pour faire du développement». Il a expliqué avoir touché un salaire annuel de 60 000 $ «pour faire pas grand-chose, je référais des dossiers», a-t-il résumé. Il profitait de son bénévolat au sein du PRO des Lavallois pour référer des clients à la firme.

Puis en 2009, année électorale, Gilles Vaillancourt demande à Jean Bertrand de s'occuper de son parti contre une rémunération. Il lui suggère un salaire de 100 000 $, mais l'avocat dit avoir trouvé cette somme exagérée et dit avoir plutôt demandé seulement 40 000 $ en argent comptant au notaire Jean Gauthier. Confronté sur cette pratique, il a dit avoir agi ainsi par «appât du gain, cupidité».

Jean Bertrand dit voir été payé en deux versements de 20 000 $, dont un reçu des mains de l'avocat Pierre Lambert.

Autre avantage, il dit s'être fait payer par le notaire Jean Gauthier des travaux à son cabinet d'avocat pour refaire un escalier. Il ignore la valeur de ces travaux réalisés en 2004.

Jean Bertrand a par ailleurs nié avoir travaillé comme collecteur du 2% pour le PRO des Lavallois. «Je suis pas un collecteur, j'aurais refusé», a-t-il assuré.

Il a toutefois reconnu avoir transporté à quelques reprises des enveloppes remplies d'argent. Il était bien conscient de l'illégalité de cette pratique. «Je voulais pas d'argent dans mon bureau d'avocat. J'ai toujours suivi la loi. Je voulais pas mêler mon bureau à ça», a dit Jean Bertrand.

Le témoignage de Jean Bertrand prend fin cet avant-midi. Après son passage la Commission a convoqué des conseillers municipaux qui auraient servi de prête-noms pour le parti de l'ex-maire Vaillancourt. Jusqu'à six élus, dont Richard Goyer, Benoit Fradet et Basile Angelopoulos, viendront s'expliquer sur leurs contributions politiques au PRO des Lavallois.

Benoit Fradet est un ancien député libéral de 1989 à 1994 qui siège à l'hôtel de ville de Laval depuis 1997. En tant que président d'assemblée aux conseils municipaux, c'est lui qui a refusé la semaine dernière aux citoyens de poser toute question touchant la Commission durant le conseil municipal. En parallèle de son travail de conseiller municipal, Benoit Fradet est vice-président depuis 2002 d'une entreprise de produits de béton préfabriqués, Shockbéton.

Autre témoin attendu, Basile Angelopoulos siège lui aussi à l'hôtel de ville depuis 16 ans. L'avocat de profession avait été pressenti pour prendre la place de Gilles Vaillancourt après sa démission, mais il avait finalement refusé le poste.

Soulignons que tant Benoit Fradet que Basile Angelopoulos ont annoncé début avril qu'ils quitteront la vie politique en novembre prochain.

Avant d'entendre les conseillers, la Commission doit toutefois trancher sur l'ordonnance de non-publication rétroactive qui touchera le témoignage de l'entrepreneur Ronnie Mergl. L'ex-agent officiel du PRO des Lavallois, Jean Bertrand, doit ensuite terminer son témoignage. Ses révélations faites il y a 2 semaines ont provoqué la commotion dans l'île Jésus, menant rapidement à la mise en tutelle de la Ville de Laval.

L'homme qui a géré les finances du parti de Gilles Vaillancourt pendant plus de 20 ans a affirmé que 25 conseillers municipaux, dont le maire par intérim Alexandre Duplessis, ont servi de prête-noms pendant de nombreuses années.

Jean Bertrand a également affirmé avoir remboursé chaque année en argent comptant les élus qui contribuaient à la caisse électorale du parti. Il a sommairement évalué leur avoir remis jusqu'à 900 000 $ en 15 ans.

Aucune explication

Alexandre Duplessis a fermement nié avoir été impliqué dans le stratagème, mais n'a offert aucune explication. Il s'est contenté de dire que Jean Bertrand avait livré sa version et que des élus viendront donner la leur à l'enquête publique. «À ce jour, l'ancien agent officiel du parti a donné sa version des faits et sa version est sa vérité. Nous aurons nous aussi l'occasion de donner notre version», a simplement répondu le maire par intérim.