Le directeur général adjoint de Laval, Jean Roberge, a terminé son témoignage cet après-midi devant la commission Charbonneau en reconnaissant que la peur de se faire coincer dans l'orchestration de la collusion, à Laval, l'a fortement motivé à y mettre fin.

À une question du commissaire Renaud Lachance sur les véritables raisons qui l'ont amené à procéder à des changements profonds pour assurer la saine concurrence sur le territoire de Laval, M. Roberge a d'abord indiqué que la présence de l'escouade Marteau avait offert «une opportunité». Puis, il a admis que «la peur de se faire prendre» lui a donné l'élan nécessaire, en 2010, pour arrêter un système dont «le boss» était le maire Gilles Vaillancourt comme lui avait indiqué un représentant d'une firme de génie.

Dès son embauche en avril 2008 à Laval, M. Roberge désignait le gagnant après qu'il eut reçu de son directeur de service le nom des soumissionnaires. Pour déterminer le gagnant, il appliquait des critères que lui seul avait établis. Il accordait un contrat en fonction notamment du travail à effectuer, la capacité de la firme assumer ce mandat et la répartition parmi les firmes. «Ça ne peut pas toujours être la même firme», a-t-il souligné.

M. Roberge a affirmé n'avoir reçu aucun bénéfice en retour de ce partage des contrats, ni avoir eu des offres pour le corrompre. Il a toutefois souligné qu'il se faisait dire par certaines firmes que des contrats leur étaient destinés. «C'est confirmé avec le boss», a dit M. Roberge se remémorant les paroles qu'on lui servait. Il a précisé que «le boss» était une référence au maire Gilles Vaillancourt.

M. Roberge a eu l'occasion de vérifier la véracité de l'affirmation du représentant de la firme auprès du maire. «Ce n'était jamais oui avec éclat, mais il y avait un signe de tête ou il y avait une confirmation», a raconté Jean Roberge.

En février 2009, Jean Roberge est devenu directeur général adjoint. Il continue d'organiser la collusion, mais «c'est le début de la fin», dit M. Roberge. C'est dans les mois suivants qu'il dit avoir tenté de mettre fin au système de collusion. «Il y avait plusieurs portes à fermer dans les mandats professionnels», a-t-il déclaré.

Jean Roberge a fait de la collusion avec les contrats publics, mais il avait déjà testé le système en y participant activement lorsqu'il présidait la firme de génie Équation Groupe-conseil, entre 2002 et 2008. À cette époque, c'est près de 100 % des contrats d'ingénierie qui étaient truqués, selon lui.

M. Roberge a d'ailleurs identifié plusieurs firmes collusionnaires ainsi que les représentants de celles-ci avec qui il arrangeait les contrats. Il s'agit de sept firmes, outre la sienne : Dessau (Serge Duplessis), FMA (Alain Filiatreault), Génivar (François Perreault puis Yanick Bouchard), MLC associés (Claude Chagnon), Consultants Jobin Courtemanche (Guy Jobin), Cima + (Louis Farley, Yves Théberge et Laval Gagnon) et  Tecsult (Roger Desbois).

Durant ses années dans le secteur privé, M. Roberge a fait deux contributions en argent comptant de nature politique. Il a transmis une première enveloppe au notaire Jean Gauthier qui lui a tendu une chemise en carton pour qu'il y dépose les 10 000 $. M. Roberge versera une autre somme, entre de 6000 $ ou 8000 $, de la même façon au notaire Gauthier.

Outre ces contributions, M. Roberge a expliqué que sa firme distribuait des cadeaux «standards» aux fonctionnaires tels des bouteilles de vin et des cartes cadeaux. De façon spéciale, il a toutefois donné, à deux reprises, au directeur du service d'ingénierie de Laval, Claude Deguise, des cartes-cadeaux totalisant 3000 $ à 4000 $. M. Roberge a justifié ses gestes par le fait qu'il était clair, selon lui, que M. Deguise était le pivot du système de collusion au sein de la Ville de Laval.

M. Roberge a également témoigné à l'effet que sa firme avait fourni gracieusement les services de génie pour une fondation hydrofuge pour la résidence du directeur général de Laval, Claude Asselin.

Un cartel d'entrepreneurs existait également à Laval, a témoigné M. Roberge. Le meneur du jeu était l'ingénieur Roger Desbois de la firme Tecsult. M. Roberge lui fournissait les informations nécessaires à la collusion.

Avant le début de son témoignage, M. Roberge a été suspendu de ses fonctions lorsque le maire actuel, Alexandre Duplessis, a appris sa volonté de dire la vérité. M. Roberge a raconté les circonstances nébuleuses alors que le maire Duplessis estimait urgent de négocier son départ et celui du directeur général Gaétan Turbide. Lors d'une rencontre avec des membres du comité exécutif, les téléphones cellulaires des deux hommes ont été confisqués. De plus, il n'était plus question d'avoir une entente, mais plutôt de procéder à une suspension.

Le témoignage de Jean Roberge est maintenant terminé. La prochaine personne attendue à la barre devait être l'entrepreneur en construction Gilles Théberge. La Commission a toutefois modifié l'ordre des témoins sans toutefois préciser qui témoignera à compter de mardi prochain.