L'organisateur politique Gilles Cloutier a repris son témoignage devant la commission Charbonneau, ce matin, en admettant qu'il avait menti lorsqu'il a dit qu'il était propriétaire d'une résidence dans Charlevoix alors qu'il la louait. Il affirme que ce mensonge lui a fait vivre «l'enfer» et qu'il n'a dit que la vérité à la Commission pour le reste.

Gilles Cloutier s'est présenté à la Commission visiblement ébranlé, ce matin. Il a demandé à rectifier une affirmation faite le 2 mai dernier, lors de son contre-interrogatoire par l'avocate du Parti québécois, Estelle Tremblay. Lorsqu'elle l'a questionné sur la maison de 11 chambres qu'il prêtait à des élus, dans Charlevoix, il a affirmé qu'il l'avait achetée au début des années 2000 pour 200 000$ et revendue 400 000$ quelques années plus tard. Or, il admet aujourd'hui qu'il n'en était que locataire. «J'ai faussé la Commission», s'est-il excusé.

Cloutier soutient qu'il a menti par «orgueil mal placé». Il avait toujours dit à ses proches qu'il était propriétaire de la maison, et il a perpétué ce mensonge devant les enquêteurs de la Commission, puis lors de son témoignage.

Rappelons que, selon Cloutier, la firme de génie Roche louait la maison pour la prêter à des élus. Plusieurs y auraient séjourné, dont l'ex-ministre des Transports Guy Chevrette et des maires. Des photos ont d'ailleurs été présentées à la Commission dans lesquelles on pouvait voir le maire de Sainte-Julienne, Marcel Jetté, et les membres de son parti.

Photo fournie par la CEIC

Gilles Cloutier louait cette résidence de Charlevoix.

Après les aveux de Cloutier, Me Tremblay a repris son contre-interrogatoire. Elle a tenté de lui faire admettre qu'il avait menti à d'autres moments de son témoignage. Elle soutient que le cocktail de financement que Gilles Cloutier prétend avoir organisé pour l'ex-députée Lucie Papineau n'a jamais eu lieu. Le témoin a maintenu sa version même si l'avocate a souligné que ni les données du Directeur général des élections, ni celles du Parti québécois ni l'agenda de l'ancienne élue n'ont de trace des cette rencontre ou de ces dons.

Me Tremblay est également revenue sur la demande de 100 000$ que Cloutier dit avoir reçue d'un ami de l'ex-ministre Guy Chevrette. Mettant en doute cette histoire, elle a plutôt avancé que le témoin avait extorqué son ancien employeur, Roche, en lui faisant croire qu'il l'avait aidé à décrocher le contrat de la route 125 grâce à ses relations.

Me Tremblay a même demandé à Cloutier s'il souffrait d'une maladie qui pouvait affecter sa mémoire. «Je suis gravement malade, mais ça n'affecte pas ma mémoire», a-t-il répondu.

Me Tremblay est revenue à la charge en tentant de démontrer que Gilles Cloutier vit toujours grâce aux sommes qu'il a amassées. L'homme qui a fait faillite au début des années 2000 conduit une Mercedes 2012, d'une valeur d'environ 50 000$. Il a reconnu avoir payé une partie comptant, mais soutient que le reste est financé par son neveu, Robert Cardinal.

Cloutier a paru très irrité par le contre-interrogatoire pointilleux de Me Tremblay. «Ce n'est pas parce qu'on est un vendeur ou qu'on fait du développement des affaires qu'on est un menteur», a-t-il lancé avant d'accuser l'avocate de faire «perdre du temps à tout le monde».

Ce n'est pas la première fois qu'un témoin admet avoir induit la Commission en erreur. Martin Dumont avait dû revenir sur plusieurs exagérations de son témoignage. Par la suite, les enquêteurs lui ont fait admettre qu'il avait dit des faussetés lors d'une rencontre filmée. L'avocat du témoin avait toutefois fait rejeter cette vidéo. Même si la crédibilité de Martin Dumont a été durement ébranlée par cet épisode, plusieurs parties de son témoignage ont été corroborées par d'autres témoins.

L'avocat de l'Association des constructeurs de route et grands travaux routiers, Me Denis Houle, a pour sa part accusé le témoin d'avoir nommé plusieurs personnes devant la Commission par vengeance, ce dont Cloutier s'est défendu.

Il a de nouveau égratigné l'ancien directeur du financement d'Union Montréal Bernard Trépanier, qui, comme lui, se spécialisait dans l'organisation d'élections et la récolte de financement. Il l'a accusé d'avoir gardé une partie des fonds pour lui-même.

Par ailleurs, la Commission a entendu deux requêtes de Guy Chevrette et de son ami Gilles Beaulieu, qui souhaitent contre-interroger Gilles Cloutier. Ils veulent rétablir les faits sur les 100 000$ qu'on lui aurait demandé de payer pour pouvoir rencontrer l'ex-ministre. Leurs demandes ont été mises en délibéré.