Des documents saisis par la Sûreté du Québec et présentés à la commission Charbonneau révèlent que l'ex-président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, et son ami Bernard Trépanier ont séjourné en mars 2008 dans un luxueux hôtel de la Floride aux frais de Construction F. Catania.

Cette information dévoilée devant la commission Charbonneau avait été frappée d'une ordonnance de non-publication pour éviter de nuire à un éventuel procès devant jury des coaccusés dans l'affaire du Faubourg Contrecoeur.

Leur décision, hier, d'avoir un procès devant juge seul (voir autre texte) a toutefois rendu caduc l'interdit de publication.

C'est la Sûreté du Québec qui, au cours d'une perquisition aux bureaux de Construction F. Catania, a découvert les détails de ce voyage dans le sud des États-Unis. Les policiers ont mis la main sur les factures d'un séjour de quelques jours en Floride, en mars 2008.

Le président de l'entreprise, Paolo Catania, l'ex-directeur du financement d'Union Montréal Bernard Trépanier ainsi que Frank Zampino, sa femme et sa fille ont pris part au voyage. Le groupe a séjourné au Trump International de Miami, un luxueux hôtel en bord de mer. Les chambres ont coûté de 450$ à 509$ chacune par nuit.

Selon la Sûreté du Québec, le groupe avait prévu se rendre en Floride en jet privé. Bernard Trépanier et Frank Zampino ont toutefois nié cette information et affirmé y être allés par leurs propres moyens.

Un «cadeau»

Bernard Trépanier a reconnu que le voyage a été fait à l'invitation de Paolo Catania. Même s'il disait qu'il connaissait peu l'entrepreneur, il a admis qu'il s'agissait d'un cadeau lorsque le procureur Denis Gallant l'a questionné. «Si vous voulez, oui, c'est ça, c'est un cadeau.»

Zampino a pour sa part nié avoir accepté une invitation de Paolo Catania. Il assure s'être rendu en Floride à l'époque pour y acheter un appartement. C'est une fois sur place que Bernard Trépanier l'a invité au luxueux hôtel de Miami. L'ex-président du comité exécutif a toutefois été incapable de dire s'il a remboursé son ami pour la location de sa chambre. «Je ne peux pas vous dire que je ne l'ai pas payé. Je ne peux pas non plus exclure. Je n'ai pas un souvenir.»

La Commission a également tenté de démontrer que Bernard Trépanier essayait d'influencer Martial Fillion, ancien directeur de la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM), durant la vente des terrains du Faubourg Contrecoeur. Les registres téléphoniques démontrent que les deux hommes ont eu plus de 800 contacts téléphoniques durant la période de l'appel d'offres.

Trépanier s'est défendu en disant qu'il tentait simplement de le convaincre de lui offrir un emploi de «vendeur de maisons ou de condos» à la SHDM. «Je ne peux pas rester à ne rien faire, je vais mourir. Peut-être que ce serait mieux, mais je ne suis pas intéressé.»

Un projet pour Catania

La levée de la quasi-totalité des ordonnances de non-publication permet également d'apprendre que Frank Zampino visait à vendre les terrains du projet Faubourg Contrecoeur à son ami Paolo Catania dès 2005, selon l'ingénieur Michel Lalonde.

Au cours d'un cocktail de financement au Rizz, l'ex-président du comité exécutif avait pris contact avec le président de Génius pour lui parler du projet. «M. Zampino m'avait dit: "Écoute, je pense que ça, c'est vraiment un beau projet pour F. Catania, là, pour qu'ils puissent réaliser ça"», a-t-il relaté le 30 janvier dernier.

Génius avait reçu le mandat de la SHDM de faire les études préliminaires pour le Faubourg Contrecoeur. La Commission a présenté une série de courriels échangés entre une ingénieure de la firme et des dirigeants Construction F. Catania, dont Paolo Catania. Ils permettent de comprendre que le projet a été conçu précisément pour l'entreprise. Les quantités de matériaux et les prix étaient validés par celle-ci.

Enfin, l'ex-directeur des stratégies immobilières Joseph Farinacci avait indiqué durant la partie de son témoignage interdite de publication que l'ex-président du comité exécutif exerçait une forte pression sur la fonction publique. Le témoin a affirmé que Zampino voulait s'assurer que la vente des terrains aille de l'avant malgré son opposition.