Recevoir 40 000$ en argent comptant de la part d'un vice-président d'une grande firme d'ingénierie pour financer un parti politique, c'était parfaitement légal pour l'ex-collecteur de fonds d'Union Montréal Bernard Trépanier.

L'ancien responsable du financement du parti de l'ex-maire Gérald Tremblay y est allé hier de ce surprenant aveu au cours d'un contre-interrogatoire mené à la commission Charbonneau par l'avocat d'Union Montréal, Me Michel Dorval.

«Vous collectez 40 000$ en argent pas dans le cadre d'une activité de financement légale, où les dons sont légaux. Pensiez-vous que c'était légal de recevoir 40 000$ comme ça?», a demandé l'avocat

«Dans mon livre à moi, oui», a simplement répondu M. Trépanier, qui a terminé son témoignage, hier. Son ami, l'ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino, sera à la barre des témoins ce matin.

Le financement des partis politiques par des entreprises privées est illégal depuis la fin des années 70, au Québec. Et un électeur, qui a une adresse personnelle dans la municipalité, a le droit de donner 1000$ à un parti politique par année, pas plus. Un don de 40 000$, fait en argent comptant sans témoin et sans reçu, ne remplit pas les critères d'une contribution conforme.

Cette contribution de 40 000$, versée par le vice-président de la firme SNC-Lavalin, Yves Cadotte, au début de la campagne électorale de 2005, est le seul don en argent que M. Trépanier a admis avoir encaissé en provenance d'une firme d'ingénieurs, au cours de ses cinq jours de témoignage devant la Commission. Le montant de cette contribution diverge toutefois de celui de M. Cadotte, qui parlait plutôt d'une somme de 125 000$.

«Sur le coup, j'ai pas pensé. Mais une fois que c'est fait, il faut que tu vives avec. Moi, j'avais une cible à rencontrer. En autant que je rencontrais mes objectifs, et que j'apportais l'argent, on aurait tant [d'argent] pour faire la campagne, et tant pour tel autre événement, j'étais correct», s'est défendu M. Trépanier, lorsque le commissaire Renaud Lachance lui a demandé comment on pouvait encore le croire, après avoir entendu ça.

Tous des menteurs?

M. Trépanier a continué de nier, hier, avoir reçu, à répétition, de grosses sommes en espèces versées par des dirigeants de firmes d'ingénieurs privées qui participaient à un cercle de collusion sur des contrats de génie civil de la Ville de Montréal. En mars dernier, ces dirigeants de SNC-Lavalin, Genivar, BPR et Dessau ont raconté, en détail, leurs nombreuses rencontres avec M. Trépanier, à qui ils remettaient une somme équivalente à environ 3% des contrats qu'ils obtenaient de la Ville. Sur une période de cinq ans, elles auraient ainsi contribué à hauteur de 1,7 million de dollars à la caisse d'Union Montréal.

Hier, un avocat de l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec (ACRGTQ), Me Denis Houle, a mis M. Trépanier face à chacun des témoignages rendus par ces ingénieurs. À chacun de ces témoignages, l'ex-collecteur de fonds a répondu «C'est faux» ou «c'est complètement faux».

En plus de contredire tous ces témoins, M. Trépanier a vigoureusement nié que son ami Frank Zampino, décrit comme «l'homme le plus puissant de Montréal», ait eu quoi que ce soit à voir avec la collusion dans des contrats, les arrangements avec les firmes, et les 3% versés à Union Montréal. «C'est complètement faux», a-t-il tonné.

«Moi, a-t-il conclu, j'ai fait mon travail, je me suis dévoué à travailler pour le parti, à rencontrer mes objectifs, en étant fidèle au maire Gérald Tremblay et à M. Zampino, quand j'ai eu à organiser [des élections] avec M. Zampino.»