Le trésorier d'Union Montréal, Marc Deschamps, a reconnu avoir joint vendredi une personne qui aurait été impliquée dans le stratagème de financement occulte de son parti. Le comptable dit avoir appelé vendredi André Morrow «pour avoir l'heure juste» sur une fausse facture que SNC-Lavalin dit avoir payée en 2005 pour le compte de la formation de l'ex-maire Tremblay.

Cette révélation a fait sourciller la juge France Charbonneau, vigilante à toute tentative des témoins d'arranger leurs versions avant de témoigner. L'appel de Deschamps à Morrow est d'autant plus intrigant qu'il survient au beau milieu de son témoignage, lui qui a commencé à témoigner la veille. 

Un vice-président de SNC-Lavalin a affirmé la semaine dernière avoir fait du financement illégal pour Union Montréal tout au long des années 2000. Yves Cadotte avait indiqué que Bernard Trépanier avait réclamé 200 000$ pour financer l'élection de 2005. Incapable de payer une telle somme, la firme de génie dit avoir accepté de payer une fausse facture de 75 000$ à Morrow Communications. 

Lorsqu'il a été interrogé à ce sujet aujourd'hui, Marc Deschamps a catégoriquement nié que SNC-Lavalin ait couvert une facture pour le compte de son parti. Il en veut pour preuve qu'il a parlé vendredi avec André Morrow, président de la compagnie en question. Celui-ci lui a indiqué avoir écrit une lettre à la Commission pour démentir le témoignage de Cadotte, ce que la Commission ignorait. 

Tentative d'extorsion?

L'ancien responsable d'Union Montréal, Bernard Trépanier, aurait été congédié après avoir tenté d'extorquer un promoteur immobilier pour plus d'un million, selon ce qu'a avancé devant la commission Charbonneau le procureur Paul Crépeau.

Le trésorier d'Union Montréal, Marc Deschamps, a affirmé devant la Commission que l'ex-maire Gérald Tremblay n'a jamais dévoilé aux dirigeants de son parti les raisons pour lesquelles il a demandé le départ de Bernard Trépanier. Le témoin a même longtemps nié que l'homme avait été congédié, disant que son poste avait été simplement aboli.

«Je vais vous faire une suggestion: M. Trépanier a été congédié par Gérald Tremblay vers les 20 ou 22 février 2006 parce que le maire venait d'apprendre qu'il a essayé d'extorquer un million de dollars d'un promoteur immobilier», a lancé le procureur Paul Crépeau, qui mène l'interrogatoire. Le promoteur, Smart Centres, est une division immobilière de Wal-Mart qui tentait à l'époque de développer un centre commercial dans l'ancienne carrière Francon, dans St-Michel.

Marc Deschamps dit qu'il n'a jamais eu vent de cette histoire. En fait, le comptable dit n'avoir jamais su, ou même demandé à l'époque, pourquoi Bernard Trépanier avait dû quitter son poste. Il assure que l'ex-maire l'a simplement appelé au début de 2006 pour lui poser «sèchement» une question: «Combien coûterait le départ de Bernard Trépanier?»

C'est seulement le 30 octobre dernier, soit plus de quatre ans après les faits, et alors que Martin Dumont était à témoigner, que l'ex-maire se serait ouvert partiellement sur les raisons derrière le départ de Trépanier. Gérald Tremblay aurait alors confié à Deschamps qu'il lui reprochait à l'époque sa trop grande proximité avec Frank Zampino. Tremblay aurait également précisé à Deschamps qu'il avait un deuxième motif, plus sérieux, qu'il n'a jamais voulu dévoiler.

Sans connaître les raisons derrière le départ de Bernard Trépanier, Marc Deschamps lui a offert quatre mois de salaire et une prime de 25 000$. «Il y avait un souhait d'en finir, de régler ça, sans que ce soit désavantageux pour M. Trépanier», a affirmé ce matin le témoin. Or cette entente lui paraît aujourd'hui inappropriée, si Trépanier avait bel et bien tenté d'extorquer un promoteur.

Le trésorier a dit également ignorer si Trépanier, comme le veulent les informations de la Commission, est parti des bureaux d'Union Montréal avec une boîte à souliers remplie d'argent, en coupures de 100$.

Parti mais toujours présent

Même si Trépanier n'avait plus de lien avec Union Montréal à partir de 2006, il a conservé son certificat de solliciteur jusqu'en 2009. Deschamps s'est dit ainsi «convaincu» que l'homme a continué à récolter des fonds pour la formation. Le trésorier d'Union Montréal confirme d'ailleurs avoir vu Trépanier à des activités de financement de son parti et que l'homme surnommé «M. 3%» y a même croisé Gérald Tremblay.

Deschamps a d'ailleurs indiqué que Trépanier, même s'il organisait moins d'activités de financement que les autres solliciteurs du parti, a toujours été le collecteur de fonds «le plus prolifique» d'Union Montréal. Le trésorier s'est par ailleurs défendu de n'avoir pas bien vérifié l'origine de ses dons. Selon lui, «il n'y a pas de défense contre les prête-noms» pour les partis. Le commissaire Renaud Lachance lui a pourtant souligné qu'il avait fallu quelques minutes à peine à la Commission pour confirmer l'existence de prête-noms parmi les donateurs d'Union Montréal.

Ces explications n'ont d'ailleurs pas semblé convaincre la Commission. «Faut pas jouer à l'innocent», s'est même indignée Mme Charbonneau.

Alors que Deschamps a tenté de dire qu'il parlait peu à Trépanier, la Commission a pourtant révélé que les deux avaient eu 1401 conversations téléphoniques de 2005 à 2011, soit 19 fois par mois. Ils se sont également rencontrés à au moins une dizaine de reprises après le départ d'Union Montréal de «M. 3%», selon l'agenda du trésorier. En comparaison, durant cette période, Marc  Deschamps n'a jamais téléphoné à Gérald Tremblay qu'il décrit pourtant comme un «ami professionnel».

La commission Charbonneau poursuit ainsi ses audiences avec Marc Deschamps, qui est à défendre la légalité du financement du parti ayant dirigé la métropole de 2001 à 2011. La semaine s'annonce chargée alors que, selon les informations de La Presse, l'ex-responsable Bernard Trépanier, surnommé «M. 3%», l'ex-président du  comité exécutif, Frank Zampino, et l'ex-maire Gérald Tremblay doivent témoigner cette semaine. Une partie de leurs témoignages risque d'être frappée d'une ordonnance de non-publication si la Commission décide d'aborder le scandale du Faubourg Contrecoeur, dossier qui se trouve devant les tribunaux.