Un autre ingénieur est venu confirmer devant la commission Charbonneau l'existence d'un système de ristourne qui permettait à Union Montréal d'empocher 3% des contrats municipaux de 2004 à 2009.

>L'opposition est favorable à une prolongation de la CEIC



L'ingénieur François Perreault a démissionné vendredi de son poste de vice-président de la firme de génie Génivar, expliquant qu'il ne voulait pas nuire à l'entreprise avec son témoignage. Rapidement, il a corroboré le témoignage de Michel Lalonde qui a détaillé en janvier l'existence d'un système de partage des contrats de génie à Montréal.

«C'est un système du partage de la tarte», a résumé François Perreault. D'après lui, c'est Bernard Trépanier qui partageait le travail entre les firmes avec son patron, Frank Zampino, ex-président du comité exécutif.

Le témoin a confirmé le rôle de Michel Lalonde comme porte-parole des firmes de génie, mais que le responsable des finances d'Union Montréal jouait un rôle plus prépondérant. «Au fil des années, j'ai trouvé que Trépanier jouait plus ce rôle», a-t-il exposé.

Deux prête-nom à la barre

La commission Charbonneau a par ailleurs entendu cet après-midi deux employés d'une entreprise de construction qui ont servi de prête-nom pour offrir plus de 10 000$ en dons à des partis municipaux à Montréal. Ils ont aussi décrit en détail comment leur employeur envoyait de nombreux cadeaux à des fonctionnaires de Montréal et du ministère des Transports.

Commissionnaire pour Construction DJL, Claude Duhaime effectue depuis 1998 diverses livraisons pour l'entreprise de Boucherville.  L'homme, dont le salaire annuel est de 25 000$, et sa conjointe ont effectué de 2002 à 2006 pour 5500$ en dons à deux formations politiques de la métropole, principalement à Union Montréal, mais aussi Vision Montréal.

Ces dons ont été effectués à la demande de son supérieur chez DJl, Claude Fortier. Celui-ci lui demandait de signer des chèque puis le remboursait en argent comptant. Chaque année, il déduisait ce don de son rapport d'impôt, une pratique illégale quand le don a été remboursé par un tiers.

Claude Duhaime ne se limitait pas à servir de prête-nom, il distribuait aussi des cadeaux à divers fonctionnaires, de la Ville de Montréal et au ministère des Transports du Québec. Il a ainsi décrit qu'il livrait chaque mois de décembre de 50 à 80 paquets-cadeaux. Il s'agissait principalement de bouteilles de vin, certificats cadeaux et autres attentions à divers employés municipaux et du gouvernement.

Une collègue, Ghislaine Dujmovic, adjointe administrative chez DJL, était quant à elle responsable de mettre à jour la liste des cadeaux à distribuer. Elle a précisé que la moitié des cadeaux étaient destinés à des fonctionnaires, l'autre à des sous-traitants.

Elle aussi a admis avoir servi de prête-nom. Elle a signé pour 5100$ en chèques de 2001 à 2006 à Vision Montréal et Union Montréal. Son patron, Jacques Collin, l'a ensuite remboursée en argent comptant. Elle aussi a touché des déductions d'impôt.

Les deux ont admis qu'ils avaient aucun intérêt pour la politique municipale et avoir contribué uniquement à la demande de leur employeur.

Par ce stratagème, Union Montréal a ainsi reçu 8500$ et Vision Montréal 3120$.

Ouellet prend ses distances de Trépanier

Plus tôt aujourd'hui, l'ex-directeur général d'Union Montréal, Christian Ouellet, a tenté de prendre ses distances de son ancien responsable du financement, Bernard Trépanier. Après avoir affirmé n'avoir entretenu aucune relation avec celui-ci, le témoin a toutefois été incapable ce matin d'expliquer pourquoi il parlait souvent sur son cellulaire à celui qu'on surnomme «M. 3%».

La commission Charbonneau, qui a demandé lundi une prolongation de son mandat jusqu'en avril 2015, se poursuit mardi avec le témoignage de Christian Ouellet. L'homme, qui s'est présenté comme le «kingpin» de l'organisation politique, a réfuté toute malversation de sa part dans le financement du parti de l'ancien maire de Montréal, Gérald Tremblay.

Christian Ouellet a déclaré n'avoir entretenu aucune relation avec Bernard Trépanier, que plusieurs ont dépeint devant la Commission comme le grand responsable du financement occulte. L'ex-dg a au contraire assuré que celui-ci jouait un rôle mineur, voire négligeable au sein d'Union Montréal.

Le procureur Cainnech Lussiaà-Berdou a toutefois mis le témoin dans l'embarras quand il a présenté le registre de ses appels téléphoniques. Les deux hommes se sont parlé à 67 reprises entre 2005 et 2008. «Je ne me rappelais pas de tout ça», a simplement répondu Ouellet, visiblement ébranlé. Quand le procureur Berdou lui a demandé de quoi ils discutaient, le témoin a affirmé n'en avoir aucun souvenir et a demandé s'ils avaient des enregistrements de ces conversations.

Tout au long de la matinée, Christian Ouellet a tenté de marginaliser le rôle de Trépanier, allant jusqu'à affirmer ne pas s'être même pas intéressé aux raisons de son départ d'Union Montréal, en juin 2006. Il a toutefois fini par s'embrouiller quand il a expliqué pourquoi le maire Gérald Tremblay était au courant du départ de Trépanier, sans jamais lui en avoir parlé. «Je ne savais pas que le maire savait, mais il a dû le savoir de quelqu'un», a-t-il bredouillé.

Christian Ouellet a maintenu qu'il ne parlait pas à Trépanier. «Non, pas du tout. En général, je ne tisse pas de lien avec les employés.» Les commissaires n'ont pas paru croire ces explications du témoin. «Vous êtes six, ce n'est pas une multinationale. Ce n'est pas étrange que vous ne preniez pas la peine d'appeler Bernard Trépanier pour demander pourquoi il était parti?» a lancé Renaud Lachance.

Ce matin, Christian Ouellet assure ne jamais avoir fait appel au financement des entreprises, une pratique illégale. «Pas besoin de ça.»  Il s'est affairé à démontrer à quel point il est facile de faire du financement politique.

L'organisateur politique était directeur général d'Union Montréal de 2004 à 2008, soit pendant la période durant laquelle un système de ristourne de 3% aurait été mis en place pour financer le parti de l'ex-maire Gérald Tremblay. Christian Ouellet assure avoir toujours respecté les règles et lois en place.

Double-emploi

La Commission a soulevé le fait que, à l'époque où il était directeur général d'Union Montréal, Christian Ouellet était à la fois payé par la firme de génie Roche. Cette entreprise de Québec tentait de faire une percée dans la métropole et a retenu les services de Ouellet pour rédiger un plan d'affaires. Celui-ci affirme avoir identifié les élus importants à rencontrer, dont Frank Zampino.

Le témoin ne voit aucun problème au fait qu'il a reçu 327 000$ d'une entreprise sous contrat avec la Ville de Montréal alors qu'il était dg du parti la dirigeant. «C'est un peu spécial» a simplement répondu, disant qu'il faudrait demander à Roche pourquoi ils le payaient grassement pour faire peu.

Fait à souligner, les enquêteurs ont retrouvé des documents sur le financement d'Union Montréal dans les bureaux d'une ingénieure de Roche, France Michaud, arrêtée dans une affaire de corruption pour l'usine d'épuration des eaux de Boisbriand.

Organisateur d'expérience

Se dépeignant comme un organisateur politique «redoutable», Christian Ouellet dit avoir écrit un petit guide électoral pour motiver ses membres à atteindre les objectifs de financement. Il affirme toutefois ne plus en avoir copie.

Alors qu'il travaillait pour le Parti libéral du Québec dans les années 1970, Ouellet dit avoir mis sur pied un système pyramidal - qu'il a rebaptisé «triangulaire» pour éviter le parallèle avec le stratagème illégal - employant des bénévoles dans chacune des divisions électorales. Il affirme avoir importé ce système à Union Montréal, se vantant de n'avoir jamais perdu une élection.

Initialement, la Commission devait remettre son rapport en octobre 2013, soit tout juste avant la prochaine élection municipale. Une prolongation de 18 mois tel que demandée repousserait ainsi l'échéance après le prochain scrutin. Il est à noter que les audiences publiques prendraient probablement fin en 2014 afin de laisser le temps de rédger le rapport final. Pour l'instant, aucun rapport d'étape n'est prévu.