La commission Charbonneau enquête sur des transactions et des dossiers de gestion immobilière réalisés par la Ville de Montréal au cours des dernières années. Plusieurs des manoeuvres suspectées auraient été menées sous la responsabilité d'un haut fonctionnaire qui participe, par ailleurs, aux travaux de réflexion éthique du comité-conseil de Jacques Léonard sur l'octroi des contrats municipaux.

Le directeur général de la Ville de Montréal, Guy Hébert, a confirmé à La Presse que le secteur immobilier est sous la loupe de la commission Charbonneau. Lui-même a rencontré la Commission «sur une foule de dossiers». Mais ce sont les décisions du directeur des stratégies et transactions immobilières, Michel Nadeau, qui soulèveraient des doutes.

Selon Guy Hébert, la situation n'empêche pas M. Nadeau de poursuivre son travail au sein du comité Léonard. «Il n'y a pas de manque d'éthique là-dessus. Selon moi, il n'y a pas de conflit d'intérêts», a affirmé la semaine dernière M. Hébert, avant d'ajouter: «Si quelqu'un est reconnu coupable d'avoir fait des choses, c'est tolérance zéro dans l'organisation».

Michel Nadeau est l'un des huit fonctionnaires montréalais (en plus d'un enquêteur à la retraite de la Sûreté du Québec) à siéger au comité-conseil présidé par l'ex-ministre Jacques Léonard. Né d'une collaboration entre le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal afin d'assainir le processus d'octroi de contrats, ce groupe de travail devra faire des recommandations d'ici juin, question de réduire au minimum les risques de collusion et de corruption.

Pendant que M. Nadeau et ses collègues du comité cherchent les meilleures pratiques à adopter à Montréal, la commission Charbonnneau décortique ce qui pourrait être des arrangements plutôt que des transactions immobilières.

Parmi les éléments d'enquête sur le radar de la Commission, on retrouve notamment la vente litigieuse des terrains du secteur Marc-Aurèle Fortin achetés pour 7,7 millions et revendus 1,5 million au consortium Petra-Saint-Luc. Ce dossier a fait l'objet d'un témoignage devant la commission Charbonneau au début du mois. Le prédécesseur de Michel Nadeau à la direction des stratégies et transactions immobilières, Joseph Farinacci, a déclaré sous serment qu'il avait démissionné parce qu'il avait été «contourné» par les autorités politiques et qu'il était dégoûté de voir les règles sans cesse ignorées.

D'autres dossiers sont analysés, dont la vente de la gare Viger dont l'évaluation foncière a été passée sous silence, permettant ainsi à Développement Télémédia et ses partenaires de payer 5 millions de moins. Il y a aussi la transaction stoppée puis reprise à la faveur d'un autre promoteur d'un terrain de stationnement dans le Vieux-Montréal (entre les rues Saint-Jacques et Notre-Dame).

Des projets de rénovations d'immeubles sont également dans la ligne de mire de la Commission, par exemple les travaux de maçonnerie effectués à l'hôtel de ville par l'entrepreneur LM Sauvé.

Jusqu'à maintenant, M. Nadeau bénéficie de la confiance du directeur général de la Ville. «Il n'y a rien qui me laisse penser qu'il est tout croche, tout de travers. Quand on trouve des transactions qui ne sont pas correctes, le contrôleur général a le devoir et la directive de les envoyer à la Sûreté du Québec», a-t-il précisé.

La Ville de Montréal a décliné la demande d'entrevue avec M. Nadeau, qui était à l'extérieur du pays. On a toutefois noté que «la Ville collabore entièrement avec les représentants de la commission Charbonneau» et que «les échanges entre les deux organisations ne feront pas l'objet d'entrevues auprès des médias afin de ne pas nuire aux travaux de la Commission».