L'ex-directeur général de la FTQ-Construction, Jocelyn Dupuis, avait de l'influence pour faire cheminer des dossiers d'entrepreneurs jusqu'au Fonds de solidarité, même après son départ du syndicat.

C'est ce que laissent voir le témoignage de l'entrepreneur Giuseppe (Joe) Borsellino, entendu mardi à la commission Charbonneau, ainsi que des extraits d'écoute électronique captés dans le cadre de l'opération policière Diligence sur l'infiltration du crime organisé dans le monde syndical.

Une conversation entre MM. Dupuis et Borsellino interceptée en décembre 2008, qui concernait un éventuel investissement chez Parasuco, démontre l'ascendant de l'ancien dirigeant syndical sur ses collègues.

On y entend Jocelyn Dupuis expliquer à Joe Borsellino que tout est «organisé avec Rénald Grondin [...], qui amène tous les dossiers à Michel Arsenault». Rénald Grondin, que La Presse a joint sur son cellulaire avant qu'il n'interrompe brusquement la communication, est le directeur de l'Association des manoeuvres inter-provinciaux (AMI), un des syndicats affiliés à la FTQ-Construction. Michel Arsenault est quant à lui le président de la FTQ et du Fonds de solidarité.

«Il faudrait que tu prépares le dossier, pis moi, j'encadre Rénald», explique M. Dupuis à M. Borsellino, en lui précisant que Rénald Grondin remettra le dossier directement à Michel Arsenault. Et M. Dupuis ajoute: «C'est d'même qu'on s'est arrangés pis ça va numéro un. Arsenault l'sait pas qu'y passe par moi. Tsé?»

LacommissionCharbonneau enquête depuis des mois sur un présumé système de ristournes qui impliquerait des acteurs importants de la FTQ-Construction ayant servi d'intermédiaires auprès d'entrepreneurs en construction pour leur assurer un accès privilégié à la tête dirigeante du Fonds de solidarité et, du coup, au capital d'investissement. Elle rencontre toutefois de la résistance de la part du Fonds, mais aussi du côté de la FTQ et de la FTQ-Construction. Sans qu'il y ait un mot d'ordre syndical, certaines personnes ont refusé de rencontrer les enquêteurs.

À la FTQ-Construction, on s'est borné hier à souligner qu'aucun des dossiers dont il a été question devant la Commission n'a obtenu une aide financière du Fonds. De son côté, l'avocat qui représente le syndicat, Me Robert Laurin, est intervenu en vain devant la commission Charbonneau pour tenter de freiner le flot des questions à ce sujet. Me Laurin a soutenu que cela débordait du mandat de la Commission.

Rappelons que le procès de Jocelyn Dupuis pour fraude se tiendra à partir du 3 juin. Il aurait utilisé les fonds de son syndicat pour s'offrir notamment de somptueux repas. Me Laurin aurait été l'un des bénéficiaires de ces agapes.