Après avoir multiplié les euphémismes depuis le début de son témoignage, le président de Génius, Michel Lalonde, a reconnu aujourd'hui pour la première fois qu'il avait volé les deniers publics. Il a également timidement regretté de ne pas avoir dénoncé le système plus tôt.

«Accommoder», «compenser», «s'accomplir», «respecter ses engagements»: les périphrases n'ont pas manqué à l'ingénieur pour parler des méthodes par lesquelles il s'assurait d'obtenir des contrats. L'avocat de la Ville de Montréal, Me Martin St-Jean, a profité de son contre-interrogatoire pour enlever ce vernis de respectabilité que le témoin a tenté de préserver.

«Quand on parle de faux extras et que vous êtes «accommodant», vous vous faites complice d'un vol de deniers publics. Quand vous permettez  à quelqu'un de «s'accomplir», vous êtes complice», a lancé l'avocat. «Oui, absolument», a reconnu Lalonde, visiblement mal à l'aise de voir son rôle aussi crûment décrit.

Jusqu'à présent, l'ingénieur avait parlé des faux extras comme d'«accommodements», des pots-de-vin comme de «compensations», du paiement d'une ristourne à Union Montréal comme d'un «respect des engagements», des contributions politiques illégales comme d'«investissements». 

Il a tenté de se défendre en disant qu'il avait été catapulté dans ce monde de collusion et de corruption en raison de la pression exercée par le financement politique. «Ça a commencé avec les contributions», a-t-il assuré. 

Lalonde a également admis qu'il savait que les entrepreneurs en construction versaient eux aussi 3% de leurs contrats à Union Montréal. «Milioto m'en avait glissé un mot», a-t-il reconnu. 

Me St-Jean a mené un contre-interrogatoire très serré, au point où la commissaire France Charbonneau a dû le rappeler à l'ordre. Irrité devant les réticences du témoin à nommer ceux de ses associés qui étaient au courant du stratagème, l'avocat de la Ville lui a lancé: «S'il le faut, je vais vous les arracher un par un.»

Timides regrets

Pour la première fois de son témoignage, Michel Lalonde a timidement regretté de ne pas avoir agi pour dénoncer la collusion et la corruption. Après l'avoir longuement interrogé, l'avocat du gouvernement, Me Benoit Boucher, lui a demandé s'il avait songé à dénoncer Claude Millaire, qui selon ses dires truquait l'adjudication des contrats au MTQ. «Je regrette, malheureusement non», a-t-il laissé tomber.