Les coupes dans le personnel de la Ville de Montréal ont facilité l'enracinement de la corruption, a estimé aujourd'hui l'ex-fonctionnaire Luc Leclerc. Il croit que la métropole aurait rendu la vie plus difficile aux entrepreneurs véreux si elle avait eu davantage d'employés.

Les audiences de la Commission d'enquête sur l'octroi des contrats dans l'industrie de la construction ont repris ce matin après une semaine de pause. Luc Leclerc, qui a reconnu avoir touché plus d'un demi-million de dollars en pots-de-vin, est maintenant contre-interrogé par l'Association de la construction du Québec et par la Ville de Montréal.

Il a dit que, durant ses premières années à la Ville, de 1990 à 1995, il avait fait l'objet de vérifications. Les vérificateurs prenaient certains contrats et tentaient de voir si tous les paiements étaient justifiables. Ces fonctionnaires faisaient un travail aussi simple que de vérifier si les calculs mathématiques pour déterminer le coût des extras étaient valides.

Mais, de 1995 à sa retraite, en 2009, Luc Leclerc dit qu'aucun des contrats auxquels il a travaillé, dont la valeur atteignait 207 millions de dollars, n'a été vérifié.

Plus tard, il a reconnu que le manque d'effectifs avait facilité la vie aux entrepreneurs véreux, qui travaillaient toujours avec les mêmes ingénieurs.

Luc Leclerc a indiqué qu'il avait été soumis à moins de tentations à son entrée à la Ville, au début des années 90, alors que son service comptait neuf ingénieurs. La diminution du nombre d'employés a fait augmenter les situations conflictuelles, a admis le fonctionnaire à la retraite.

«J'ai constaté qu'entre 1990 et 1996, les effectifs étaient plus élevés et je n'ai jamais été en situation aussi conflictuelle, je n'ai pas eu les mêmes tentations que par la suite, lorsque notre nombre était plus restreint», a précisé le retraité.

Depuis quelques années, la Ville est à rebâtir son expertise en embauchant des ingénieurs justement pour mieux évaluer le coût des travaux et superviser le travail.

Par ailleurs, Luc Leclerc a expliqué qu'il ne ressentait pas le besoin de se montrer repentant devant la Commission puisqu'il est convaincu qu'il ne sera jamais pardonné. «Si j'avais cru que d'avoir la larme à l'oeil ou le trémolo dans la voix aurait pu changer quoi que ce soit au passé, j'aurais mis le genou par terre. Mais ce qui est fait est fait. Je peux exprimer des regrets à la population, mais je ne pense pas que la population me pardonne.»

Avant de mettre fin à son témoignage, Luc Leclerc a tout de même exprimé des remords pour la première fois depuis le début de son interrogatoire. Il a demandé à la commissaire France Charbonneau la permission de s'adresser à la population. «Je regrette ce que j'ai fait. J'en appelle à la clémence de la population, des contribuables de Montréal.» Il a également demandé pardon à ses anciens collègues ingénieurs ainsi qu'aux 28 000 employés de la Ville. Le retraité s'est dit disposé à agir à titre de «témoin repentant en matière d'éthique».

La commission Charbonneau reprend ses audiences après une semaine mouvementée sur la scène municipale. Les maires de Montréal et de Laval, Gérald Tremblay et Gilles Vaillancourt, ont démissionné en raison des révélations des dernières semaines sur la collusion et la corruption dans l'adjudication des contrats.