Les 3 et 4 octobre derniers, l'ex-entrepreneur en construction Lino Zambito a raconté son expérience des «dessous» de la politique municipale dans la municipalité de Boisbriand. En cinq ans, sa société Infrabec est devenue la plus importante entreprise de la municipalité. Son passage à Boisbriand lui a aussi servi de tremplin vers les coulisses du pouvoir et les secrets du financement politique au PLQ. Les complices de son «succès»: les ingénieurs.

La scène politique municipale, en banlieue nord de Montréal, est dominée par des «guerres de bureaux d'avocats et des guerres de bureaux d'ingénieurs» qui se disputent la mainmise sur les contrats publics avec la complicité aveugle ou active des élus.

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C'est le portrait qu'a brossé l'ancien entrepreneur en construction Lino Zambito, devant la commission Charbonneau, en relatant son «expérience» de la vie politique municipale à Boisbriand, entre 2003 et 2009.

Selon lui, «iI y avait des équipes qui était faites d'un bureau d'ingénieurs et d'un bureau d'avocats. Ça travaillait ensemble, ça trouvait un candidat à la mairie, on le mettait en place, dans le sens qu'on s'occupait de sa campagne électorale, on s'occupait de tenter de le faire élire. C'était la façon de faire dans les municipalités.»

Cette prise en charge comprenait le financement des partis et des campagnes électorales à même les extras payés par la Ville aux entrepreneurs en construction. Ceux-ci versaient ensuite une partie des sommes reçues aux ingénieurs des firmes privées qui leur avaient permis d'obtenir ces extras pour financer des activités partisanes.

Ni mafia ni fonctionnaires véreux

Le milieu des travaux publics et du génie que découvre Lino Zambito à Boisbriand lorsqu'il y déménage son entreprise, en 2003, est bien différent de celui de Montréal, où Infrabec accumule les contrats truqués par un cartel d'entrepreneurs dont il fait partie.

À Boisbriand, les entreprises de construction ne sont pas maîtresses du jeu, dit-il. Il n'y a pas de collusion pour l'obtention des contrats. Pas de pourboires à verser à la mafia et pas de fonctionnaires véreux à payer. Ce sont des firmes de génie-conseil privées qui préparent les soumissions, et ce sont elles qui surveillent les travaux.

Pour les extras, c'est avec elles qu'il faut discuter.

«En bout de ligne, ce sont les entrepreneurs, les firmes d'ingénieurs, et les bureaux d'avocats qui payaient les campagnes électorales. Donc les ingénieurs ont intérêt aussi à peu à peu augmenter les budgets, pour avoir du loose dans les budgets, afin que l'entrepreneur fasse de l'argent et qu'il puisse donner une cut au bureau d'ingénieurs. Ça permet de dégager de l'argent pour que l'ingénieur ne soit pas obligé de piger dans ses poches, quand on contribue à la campagne électorale d'un parti municipal».

Au MTQ aussi

Lino Zambito a aussi affirmé qu'un système semblable était en place pour des contrats du ministère des Transports du Québec (MTQ). Dans ce cas, c'était le Parti libéral du Québec qui en était le bénéficiaire.

«C'est exactement la même chose sur des projets du MTQ, affirme-t-il. Il y a des firmes d'ingénieurs qui sont mandatées à faire la conception, à faire la surveillance. Ces bureaux se font donner des commandes politiques, ils ont des montants à verser aux caisses électorales des partis politiques. Et je vous le dis, je vous le reconfirme: c'est très rare que ces gens-là vont piger dans leurs poches.»

Même s'il affirme qu'il n'était pas un acteur important au MTQ, il dit avoir été sollicité «par des bureaux d'ingénieurs, où il y avait des contributions à faire, puis on m'a dit: "Donne-moi un coup de main, donne-moi 20 000$ ou 30 000$ comptant, puis sur le contrat, je vais te le passer en extra."»

Cette partie du témoignage de Lino Zambito devant la commission Charbonneau était frappée d'un interdit de publication qui a été partiellement levé jeudi. Les noms de la plupart des individus ou des firmes de génie-conseil cités par le témoin ne peuvent toutefois être révélés.