Martin Dumont a lâché une bombe, hier, à la commission Charbonneau. Il a affirmé sous serment que le maire Gérald Tremblay a connu, en 2004, l'existence d'un budget parallèle de son parti constitué d'argent perçu illégalement. M. Tremblay a nié ces allégations, tandis que la pression du gouvernement québécois se fait de plus en plus lourde sur les épaules du maire.

Un ancien organisateur du parti Union Montréal, Martin Dumont, a affirmé à la commission Charbonneau, hier, que le maire Gérald Tremblay était au courant du financement illégal à grande échelle qui avait cours dans sa formation et qu'il a délibérément choisi de l'ignorer.

M. Dumont a raconté que lors d'une élection partielle dans l'arrondissement de Saint-Laurent, en 2004, il a soulevé des questions sur les dépenses électorales engagées par le parti lors d'une rencontre avec l'agent officiel du parti, Marc Deschamps, en présence du maire Tremblay.

M. Deschamps lui a alors expliqué que le parti «avait un budget officiel et un budget officieux», en exhibant un document qui montrait les deux budgets, sur deux colonnes. Le budget «officiel» s'élevait alors à 43 000$, tout près du plafond de dépenses imposé aux partis en campagne. Le budget officieux s'établissait, quant à lui, à 90 000$.

«Quand Marc Deschamps a sorti la feuille, c'est à ce moment-là que le maire Gérald Tremblay s'est levé et a dit: Moi, je n'ai pas à savoir ça.» Il a quitté la pièce.

Martin Dumont a travaillé comme permanent dans le parti du maire pendant deux ans, entre février 2004 et janvier 2006. Et il dit en avoir vu de belles au sein d'Union Montréal.

850 000$

Au moment où les élections municipales approchaient, en 2005, la permanence du parti fourmillait de jeunes employés surnuméraires embauchés en vue du scrutin de novembre. Une réceptionniste, Mme Pion, a demandé à parler à M. Dumont dans un café en face du local. Elle lui a alors raconté que le responsable du financement l'avait recrutée, la veille, pour faire un décompte de l'argent comptant qui s'accumulait dans son bureau. Il y en avait pour 850 000$. Mme Pion, a ajouté M. Dumont, ne voulait plus rien avoir à faire avec ça.

En deux ans, a-t-il affirmé, il a participé à l'organisation d'une vingtaine de cocktails de financement, dans des arrondissements de l'est et du nord de la ville, et à de nombreux événements semblables pour les instances centrales du parti, qui rapportaient chaque fois des dizaines de milliers de dollars. Pas en billets vendus, mais en enveloppes qui changeaient de main (voir autres textes).

Certains invités revenaient constamment, à chaque cocktail. Des entrepreneurs en construction, des ingénieurs spécialisés dans le développement des affaires.

Les portes et les stores fermés

Les mêmes personnes défilaient aussi dans les bureaux de la permanence du parti, pour rencontrer Bernard Trépanier, responsable du financement. On fermait la porte et les stores. Les «rencontres» ne duraient que quelques minutes. Plusieurs des ingénieurs nommés par M. Dumont hier, à la demande de la Commission, font partie du gratin du milieu: Yves Cadottte, de SNC-Lavalin, Charles Meunier, de BPR, Michel Lalonde et Gino Lanni, de Groupe Séguin (devenu depuis Génius), Bernard Poulin, du groupe SM, Rosaire et Jean-Pierre Sauriol, de Dessau, et Kazimir Olechnowicz, président de CIMA".

M. Dumont n'a pas voulu spéculer hier sur la nature de ces rencontres, auxquelles il n'a jamais assisté.

Fondations profondes

Pour le jeune militant actif, l'aventure municipale s'est pratiquement terminée en juin 2007, quand un intermédiaire bien connu entre la mafia sicilienne et la construction, Niccolo Milioto, lui a rendu visite à l'hôtel de ville de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies. Moins de 48 heures plus tôt, M. Dumont, chef de cabinet du maire de l'arrondissement, venait de demander à ses services techniques de préparer une comparaison des coûts de contrats pour la construction de trottoirs. La spécialité de M. Milioto.

«Tu sais, Martin, lui aurait dit Milioto, que mes fondations de trottoir sont épaisses et profondes. Il faudrait pas que tu te retrouves dans mes fondations de trottoir.»

M. Dumont a rougi, s'est tu et a refoulé des larmes en racontant publiquement cette histoire, que même sa conjointe, a-t-il souligné, a apprise hier en écoutant son interrogatoire devant la Commission. Il n'en avait jamais parlé à personne avant de rencontrer les enquêteurs de la Commission.

L'événement l'a «brisé», a-t-il dit. Trois mois plus tard, il a quitté Montréal pour Ottawa.