La commission Charbonneau a présenté mardi les registres téléphoniques de l'ex-entrepreneur Lino Zambito afin d'étoffer ses révélations sur l'existence d'un cartel dans le milieu de la construction à Montréal. L'avocat de la Ville a toutefois profité de son contre-interrogatoire pour tenter de mettre à mal la crédibilité du témoin-vedette.

Le procureur de la Commission, Me Denis Gallant, a déposé les registres du téléphone cellulaire de Lino Zambito obtenus auprès de Telus. On y apprend qu'entre juin 2007 et novembre 2009, l'ex-entrepreneur s'est entretenu à 56 reprises avec l'entrepreneur Nicolo Milioto, de Mivela Cosntruction. Tous les appels ont été de moins de 2 minutes, et la majorité a duré à peine une trentaine de secondes.

Nicolo Milioto a été présenté comme l'intermédiaire entre les entrepreneurs du cartel de Montréal et le clan Rizzuto. Sur une série de vidéos de la Gendarmerie royale du Canada, on le voit recevoir des liasses d'argent de plusieurs importants entrepreneurs de la métropole et les cacher dans ses chaussettes. Les bandes le montrent également alors qu'il remet les billets à des membres du clan Rizzuto.

Les registres téléphoniques démontrent également les liens étroits entretenus par Lino Zambito avec deux fonctionnaires de la Ville de Montréal qu'il dit avoir soudoyés. De juin 2007 à novembre 2009, l'ex-entrepreneur s'est entretenu à 31 reprises avec Luc Leclerc et 33 fois avec Gilles Surprenant.

Fait à souligner, le téléphone cellulaire utilisé par Gilles Surprenant était enregistré à une adresse associée à la fille de Nicolo Milioto. Caterina Milioto était à l'époque employée à la Ville de Montréal. Selon Lino Zambito, M. Surprenant aurait touché 1% de la valeur des contrats obtenus par le cartel d'entrepreneurs. Luc Leclerc aurait quant à lui obtenu 25% des extras qu'il réussissait à faire autoriser.

Toujours à la Ville de Montréal, Lino Zambito a également raconté avoir prêté, en 2003, un tracteur au directeur général de l'arrondissement de Saint-Laurent, Robert Fortin, pour des travaux à sa maison de campagne. Il dit l'avoir fait parce qu'il connaissait M. Fortin personnellement, mais aussi pour approfondir ses relations d'affaires avec lui.

Montréal passe à l'offensive

Le contre-interrogatoire a débuté en après-midi. L'avocat de la Ville de Montréal, Me Martin St-Jean, s'est affairé à tenter de trouver des failles dans son témoignage afin de creuser un doute sur sa crédibilité.

Me St-Jean a notamment avancé qu'il n'avait pas directement assisté à la remise du pot-de-vin de 300 000$ qu'aurait reçu l'ex-directeur général de Montréal Robert Abdallah pour avoir imposé l'achat de tuyaux en béton armé d'une firme. Pour seule preuve de ce qu'il avance, Lino Zambito dit qu'il a soudainement obtenu le contrat de 11 millions après avoir accepté.

L'avocat de la Ville a aussi soumis que l'ex-entrepreneur n'avait aucune preuve que la part de 3% de ses contrats qu'il remettait à Nicolo Milioto se rendait vraiment au parti du maire. «Qu'est-ce qui nous dit que M. Milioto ne gardait pas l'argent pour lui?» «Je n'avais aucune raison de mettre sa parole en doute que ça aboutissait bien chez Union Montréal», s'est défendu Lino Zambito.

Me St-Jean s'est également étonné de la mémoire sélective du témoin. L'ex-entrepreneur se rappelle avec précision ne pas avoir reçu de coup de fil pour truquer un appel d'offres de 2005, mais est incapable de se souvenir quel membre du cartel a décidé la même année de verser 3% des contrats au parti du maire Gérald Tremblay.

Interrogé sur le rôle de son père et de son oncle à la tête d'Infrabec, Lino Zambito a tenu à prendre toute la responsabilité de la participation de l'entreprise au système de collusion. Il a seulement admis que ceux-ci étaient «au courant» de ses manoeuvres.

L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, qui représente les entrepreneurs et fournisseurs travaillant dans le domaine, a ouvert le bal du contre-interrogatoire. Mal préparé de son propre aveu, son avocat, Me Denis Houle, a tenté de démontrer que Lino Zambito a été approximatif en donnant des chiffres sur le nombre de contrats truqués durant son témoignage. L'ex-entrepreneur a toutefois paru inébranlable.