Le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, touchait 2,5% du montant des contrats attribués par sa Ville à un cercle d'entreprises en construction, selon l'ex-entrepreneur Lino Zambito.

Le numéro 2 de Loto-Québec éclaboussé par Lino Zambito

Zambito a versé entre 25 000$ et 30 000$ à Labonté en 2009



L'homme a poursuivi lundi matin son témoignage devant la commission Charbonneau en abordant notamment l'attribution des contrats dans l'île Jésus. «À Laval, c'était clair, il y avait une cote de 2,5% que les entrepreneurs donnaient au maire, M. Vaillancourt, par le biais d'un intermédiaire», a révélé le témoin.

Lino Zambito a toutefois reconnu plus tard en journée n'avoir jamais lui-même payé cette «taxe» de 2,5%. Il dit plutôt avoir eu à verser un «montant forfaitaire» de 25 000$ pour obtenir le paiement d'extras lors d'un contrat.

L'ex-entrepreneur a dit qu'en 1998, après avoir fondé son entreprise, Infrabec, il a rapidement réalisé qu'un cercle fermé d'entrepreneurs obtenait la majorité des contrats de construction dans l'île Jésus.

Des entreprises perquisitionnées

Ce groupe d'entreprises qui obtenait la quasi-totalité des contrats comprenait Construction Louisbourg, Poly Excavation, Nepcon, Mergad, Timberstone, Giuliani, Sintra division Laval, Gilles Dufresne Asphalte et Jocelyn Dufresne inc. Plusieurs de ces entreprises ont fait l'objet de perquisitions la semaine dernière lors d'une frappe de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), alors que la commission Charbonneau et le témoignage de Lino Zambito faisaient une pause.

De 1998 à 2009, l'ex-entrepreneur dit avoir fréquemment reçu des appels de ces entrepreneurs pour lui demander de «se tasser», c'est-à-dire de ne pas participer à des appels d'offres à Laval. Lino Zambito dit avoir accepté, en échange d'obtenir lui aussi des contrats.

À l'en croire, son voeu a été exaucé vers 2002 ou 2003. L'ex-entrepreneur affirme avoir été invité à se rendre à Dollard-des-Ormeaux pour l'ouverture d'un nouveau magasin M.D. Vaillancourt, chaîne appartenant à la famille du maire. Cette invitation a surpris Lino Zambito, puisque sa famille était en froid avec celle de Gilles Vaillancourt.

Laissant de côté les rancunes familiales, le maire de Laval aurait alors pris contact avec l'entrepreneur pour lui dire qu'il obtiendrait bientôt un mandat. «Il m'a regardé et il m'a dit: "Ta job, ton contrat s'en vient sous peu. Les gars vont te dire lequel."»

Peu de temps après, Infrabec a décroché le contrat pour un projet sur le boulevard Cléroux. Lino Zambito dit toutefois avoir vite déchanté, après qu'il eut découvert plusieurs imprévus coûteux. L'ex-entrepreneur affirme avoir réalisé pour 400 000$ de travaux supplémentaires au contrat.

Pour obtenir paiement, Lino Zambito affirme avoir eu à verser un pot-de-vin de 25 000$ au maire Vaillancourt. L'argent n'a pas été versé directement au politicien, a-t-il dit, mais plutôt par un intermédiaire, Marc Gendron, de la firme de génie Tecsult, devenue Aecom.

Lino Zambito affirme toutefois que le système de collusion a pris fin en 2009 «sur directive du maire Vaillancourt» dans la foulée des enquêtes journalistiques sur la collusion dans le milieu de la construction.

Le maire Vaillancourt choqué

Gilles Vaillancourt s'est dit choqué par les déclarations de Lino Zambito, selon sa porte-parole Johanne Bournival. «Gilles Vaillancourt n'a jamais accepté d'argent de Zambito ou de Marc Gendron ou de qui que ce soit. Il n'a jamais rencontré Zambito dans un magasin de meubles, ni ne lui a jamais dit qu'il aurait son contrat», a dit Mme Bournival.

Interrogé sur l'étendue de la collusion dans la région de Montréal, Lino Zambito a indiqué que des «systèmes» sont implantés dans la couronne nord. Il a ciblé les villes de Mascouche, Terrebonne, Saint-Jérôme et Blainville.

Dans ces secteurs, la collusion est plus complexe à orchestrer en raison du nombre élevé d'entrepreneurs participant aux appels d'offres, a-t-il dit. Les firmes qui décrochent les contrats auraient accès à des informations privilégiées des firmes de génie engagées pour la supervision.

Les ingénieurs informeraient certaines soumissionnaires que certains éléments demandés aux plans et devis auraient été artificiellement gonflés. Les entreprises averties pouvaient donc offrir des prix plus bas, sachant, par exemple, que moins de chargements de terre étaient nécessaires.

Selon Zambito, le système dans la couronne nord pourrait être toujours en place, puisqu'il est plus subtil et a été moins souligné dans les médias.

Lino Zambito a par ailleurs affirmé qu'un système de collusion existerait également sur la Rive-Sud. Il a toutefois indiqué ne pas y avoir pris part, précisant qu'une sorte de «pacte de non-agression» existait entre les groupes d'entrepreneurs des différentes régions autour de Montréal. «Il y avait une certaine entente. "Vous touchez pas à la Rive-Sud et on touche pas à Montréal." Mais ce n'était pas une loi écrite», a-t-il précisé.

- Avec Francis Vailles