L'ancien entrepreneur en construction Lino Zambito a révélé, hier, une étrange omission commise par des ingénieurs de la Ville de Montréal dans la conception des plans des travaux d'infrastructures réalisés sur le boulevard Saint-Laurent, en 2006 et 2007.

Pendant que son entreprise, Infrabec, préparait une soumission pour une partie de la réfection des conduites d'eau et d'égout, un de ses ingénieurs l'a avisé que les plans et devis produits par la Ville ne faisaient pas mention d'une dalle de béton qui se trouvait sous la chaussée du boulevard.

Une telle omission, de la part des services de génie de la Ville, est particulièrement étonnante. Il est de notoriété publique que la grande majorité des rues de Montréal reposent sur des dalles de béton. Tous les entrepreneurs qui y travaillent le savent aussi. Comment les services de génie de la Ville pouvaient-ils l'ignorer?

Hier, devant la commission Charbonneau, M. Zambito a prétendu que cette omission ne pouvait pas être accidentelle.

Selon lui, le fait de ne pas mentionner un élément aussi important dans un contrat d'excavation relève d'un «stratagème» qui permet aux ingénieurs de la Ville de favoriser un entrepreneur et «d'influencer le résultat d'une soumission».

Des contrats truqués

Dans ce dossier, l'entreprise de M. Zambito visait le contrat de réfection des conduites d'égout et d'eau du boulevard entre les rues Sherbrooke et Roy. La firme Construction Garnier voulait pour sa part réaliser ces travaux entre la rue Roy et l'avenue du Mont-Royal.

Ces deux entreprises étaient membres du «club» des égouts, groupe informel composé d'une dizaine de sociétés qui ont obtenu, par tricherie, la quasi-totalité des contrats d'égout de Montréal, de 2000 à 2009.

M. Zambito a d'ailleurs confirmé, hier, que les appels d'offres publics pour ces deux contrats avaient été «truqués», et qu'Infrabec et Garnier ont obtenu, «comme prévu», les contrats qu'ils convoitaient.

«Patate chaude»

La présence de la dalle de béton sous la chaussée du boulevard Saint-Laurent s'est confirmée dès les premiers coups de pelle. M. Zambito a immédiatement saisi le surveillant de chantier de la situation. Selon ses estimations, la démolition de cette dalle allait entraîner des coûts additionnels de 800 000$ à son contrat de 4,6 millions.

Dans les mois qui ont suivi, a-t-il affirmé hier, il a multiplié les démarches afin de clarifier la situation avec l'ingénieur de chantier et les ingénieurs de la Ville attachés à ce dossier.

«C'est devenu une patate chaude pour les ingénieurs de la Ville, assure-t-il. Sur mon contrat, c'était 800 000$. Je ne connais pas le montant pour Construction Garnier, mais, en tout, ça représentait au-dessus de 1 million de dollars en réclamations.»

Après la réalisation des travaux, Infrabec a intenté des recours judiciaires afin que la Ville de Montréal paie les coûts additionnels résultant de cette omission étrange dans ses plans et devis. En 2011, alors que l'entreprise était mise en faillite, la Ville a consenti à lui verser 357 000$, en règlement de sa poursuite.