Les véhicules de 68 entreprises de tous les secteurs de la construction (électricité, paysagement, climatisation, asphaltage, peinture, etc.) ont été vus dans le stationnement du petit centre commercial où se trouvait le club social Consenza, quartier général de la mafia sicilienne jusqu'en 2006.

Le lieutenant-détective Éric Vecchio, de la police de Montréal, dont les services ont été «prêtés» à la commission Charbonneau, a terminé son témoignage, hier, en énumérant une longue liste d'entreprises de construction dont les véhicules ont été observés dans ce stationnement par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) entre 2002 et 2006.

Le policier ne peut toutefois affirmer que les conducteurs de ces véhicules se sont rendus au café italien pour rencontrer les chefs mafieux ciblés par l'enquête Colisée de la GRC, soit Nick Rizzuto père, Rocco Sollecito, Paolo Renda ou Francesco Arcadi, ou pour y échanger de l'argent.

Depuis mardi, les enquêteurs de la GRC et de la Commission ont nommé neuf entrepreneurs en construction de la région de Montréal qui y ont rencontré les chefs de la mafia sicilienne ou y ont fait des transactions en argent comptant.

Parmi les entreprises dont les véhicules ont été vus près du Consenza, rue Jarry, à Saint-Léonard, M. Vecchio a cité F. Catania et Associés, Mivela, Cat Can et Pavages Paramount, dont les dirigeants avaient déjà été désignés, mardi, par la GRC, comme des visiteurs occasionnels ou réguliers de l'antre de la mafia montréalaise.

M. Vecchio a aussi relevé la présence de Construction Mivela, anciennement dirigée par Nicola Milioto, considéré comme l'un des principaux liens entre l'industrie et la mafia, de Construction Garnier, grande entreprise de travaux publics, ou d'Infrabec, l'entreprise de Lino Zambito, accusé de fraude, de complot et d'abus de confiance en 2011 relativement à des contrats obtenus de la Ville de Boisbriand, en banlieue nord de Montréal.

La Commission entendra cet après-midi un témoin que les médias n'ont pas le droit de nommer pour le moment. Il est encore trop tôt pour dire à quelle heure il témoignera, en raison de requêtes à débattre sur ce qui pourra ou ne pourra pas être rendu public dans ses propos.

Pour le moment, même les motifs à l'appui de cette requête sont frappés d'un interdit de publication.

80% des contrats à Verdun

En contre-interrogatoire, l'avocat de la Ville de Montréal, Me Martin St-Jean, a demandé à l'enquêteur Éric Vecchio s'il lui paraissait vraisemblable que l'entreprise Cat Can, dirigée par Paolo Catania, ait pu obtenir 80% des contrats de voirie dans l'arrondissement de Verdun entre 2006 et 2009.

«Ça ne me surprendrait pas», a simplement dit M. Vecchio, sans toutefois confirmer les estimations de Me St-Jean.

Me Daniel Rochefort, procureur de l'Association de la construction du Québec (ACQ), qui regroupe 15 000 entreprises, a pour sa part cherché à relativiser l'importance des visites des entrepreneurs au Consenza. Il a fait valoir qu'il s'agissait de moins de 10 entreprises, sur plus de 25 000 compagnies reconnues par la Régie du bâtiment du Québec. M. Vecchio a plutôt tenu à souligner que les entrepreneurs observés par la GRC entre 2002 et 2006 représentent en fait 6 des 10 entreprises qui réalisent la majorité des contrats de voirie à Montréal.

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