Le procureur chef de la Commission Charbonneau, Me Sylvain Lussier, s'explique mal l'attaque de Jacques Duchesneau à l'endroit du travail de la Commission. Rappelant son témoignage de cinq jours devant la Juge France Charbonneau, en juin, M. Duchesneau a soutenu qu'en dépit des interrogatoires, il n'avait pu «passer ses messages».

«Toutes les questions pertinentes lui ont été posées», assure Me Lussier.

«Vous connaissez le personnage, ce n'est pas quelqu'un qu'on contrôle! S'il avait des choses à dire, il pouvait les dire», a lancé Me Lussier. M. Duchesneau s'était soumis à plusieurs jours d'interrogatoires préalables avant son passage devant la juge Charbonneau.

Mardi, dans les journaux du groupe Quebecor, le candidat de la Coalition avenir Québec soutenait qu'il était insatisfait du travail des avocats de la Commission Charbonneau, expliquant que sans l◊imputabilité que lui procurait la commission, il ne pouvait divulguer les noms que les procureurs ne lui avaient pas demandé en juin. M. Duchesneau a critiqué le travail des procureurs.

«Nous on n'est pas d'accord. C'est certain qu'il s'est plaint de certains interrogatoires, pour la commission nous avons la satisfaction du travail accompli», observe Me Lussier. L'avocat du gouvernement notamment lui avait demandé le nombre de classeurs dont il disposait, pour démontrer qu'en dépit de ses allégations, M. Duchesneau avait eu tout ce dont il avait besoin pour travailler.

Or pour toute pièce à l'appui de ses allégations générales, M. Duchesneau a dans un premier temps fourni une liste de 200 entreprises sur lesquels son équipe s'était penchée, «une liste d'entreprises sur lesquelles il a recueilli des renseignements».

Or avec cette liste, Duchesneau n'arrive à aucune conclusion, ne relève aucune particularité pour l'une ou l'autre des entreprises identifiées, les procureurs se retrouvent devant une série de noms aussi neutre, et opaque, qu'un bottin de téléphone explique Me Lussier.

«Il n'y a aucun jugement qui est porté sur aucune de ces entreprises. Il nous a donné la liste sans commentaires», affirme le procureur-chef de la commission. Cette liste, M. Duchesneau ne l'a fournie qu'après son témoignage, même s'il connaissait l'intérêt de la commission depuis plusieurs jours.

Dans son témoignage, en dépit des questions de la Juge Charbonneau, il n'a pas étayé sa déclaration voulant qu'un grand nombre d'entreprises du secteur de la construction ait des liens avec les organisations criminelles. Seul cas précis, un pont construit par Simard Beaudry, à Saint-Mathieu-de-Beloeil fait l'objet de vérifications, mais les avis sont partagés sur le bien-fondé des constats de M. Duchesneau d'indiquer Me Lussier.

M. Duchesneau «est entré dans l'arène politique. S'il avait des choses à dire, personne ne l'a empêché de les dire», martèle Me Lussier, pour qui M. Duchesneau a injustement attaqué la Commission.

M. Duchesneau a aussi soutenu que 70 % de l'argent obtenu par les partis politiques était «de l'argent sale», et a même déposé un rapport, resté confidentiel, fruit de son enquête personnelle.

Or, observe M. Lussier, à la lecture de ce rapport, on constate que la grande majorité des allégations qui y sont faites viennent de sources anonymes. L'ex-policier les identifie par des noms de code, comme Tintin, ou Capitaine Haddock, «il aurait fallu qu'il nous donne des noms, et il ne l'a pas fait», observe l'avocat.

«Il reste énormément de travail à faire, c'est un document de départ qui donne des pistes d'enquêtes, mais il est important de corroborer avant de répéter des allégations dont on n'a pas la conviction qu'elles sont solidement fondées», explique l'avocat.

M. Duchesneau a «rencontré des gens, et nous a remis le fruit de ses entrevues, et on n'est pas en mesure d'identifier toutes les personnes qui lui ont parlé», explique le procureur-chef, Lussier.

-Avec Tommy Chouinard et Paul Journet

Photo archives La Presse

Sylvain Lussier