Le directeur général des élections (DGE), Jacques Drouin, s'est dit «très surpris de l'ampleur» des allégations de Jacques Duchesneau devant la commission Charbonneau, hier. L'ancien policier a soutenu que les partis politiques tenaient une «double comptabilité» et que pas moins de 70% du financement ne passait pas par le système de contributions contrôlé par la loi.

«Cela nous paraît très gros comme chiffre, je suis très, très surpris d'une telle déclaration», a dit M. Drouin, joint par La Presse hier. M. Duchesneau avait révélé avoir préparé un rapport distinct sur le financement politique, à partir de 13 témoins formellement identifiés. Il avait aussi soutenu que le DGE avait été informé de sa démarche.

«Il a dit nous avoir donné des noms de personnes, or on n'a jamais eu ça. Le rapport qu'il a déposé [mardi], on n'en a jamais vu la couleur», a souligné M. Drouin. Il prend ses distances de l'ancien policier. «On est en relation avec lui, on a eu le même rapport que tout le monde [celui de septembre 2011], il s'est engagé à donner les noms des personnes», a rappelé le mandataire de l'Assemblée nationale. Quand il aura ces noms, le bureau du DGE pourra faire enquête, a expliqué M. Drouin. «On sait que ce rapport doit avoir une cinquantaine de pages, et qu'il y aura les noms de 13 témoins là-dedans, mais on ne l'a pas», a renchéri Denis Dion, porte-parole du DGE.

» Une double comptabilité «

Jamais le DGE n'a eu vent que les partis politiques maintenaient une «double comptabilité». Les allégations de M. Duchesneau surviennent le jour même de la publication du rapport annuel du DGE sur le financement des partis politiques. C'est un premier bilan du nouveau mode de financement - les dons aux partis sont d'abord envoyés au DGE qui les retourne par la suite aux formations politiques. Or, après vérification, pour 2011, «99% des contributions se sont avérées conformes», constate le DGE. De plus, le Directeur des élections estime que la proportion de 70% des contributions qui échapperaient au contrôle de la loi est très élevée. «On ne nie pas le financement occulte, c'est pourquoi la loi a été changée pour prévenir les prête-noms, c'est que ces pratiques existent. On ne peut pas dire que cela n'existe pas. Mais de cette ampleur, on est très étonnés. Soixante-dix pour cent, c'est énorme! «, a résumé M. Dion.

La diminution du maximum de contribution, de 3000$ à 1000$, a entraîné une chute des recettes pour tous les partis. Pour le Parti libéral du Québec (PLQ), les contributions de 1,2 million représentent une baisse de 23% par rapport à l'année précédente. Il y a cependant davantage de donateurs, 16 800 contre 16 100. La moyenne des dons est passée de 304$ à 224$ pour le PLQ. Le Parti québécois accuse la même tendance à la baisse.

«On constate cette baisse des sommes, mais actuellement, il y a une recrudescence, tant dans le nombre de donateurs que pour les sommes, probablement à cause de la proximité des élections», a indiqué M. Dion. La baisse de l'an dernier est «probablement due en partie» aux nombreux reportages négatifs sur les contributions politiques, qui font augmenter le désabusement, selon lui.

Au Parti libéral, le porte-parole Michel Rochette a précisé que «la Commission est là pour faire son travail». «On lui fait confiance, on ne commentera pas chacun des témoignages.» Selon lui, le PLQ «respecte et fait tout ce qu'il peut pour respecter la loi sur les contributions politiques». Les lois «étaient déjà sévères, et elles sont encore renforcées depuis deux ans», a-t-il rappelé.

Sans fondement

Du côté du Parti québécois, le directeur général, Sylvain Tanguay, a soutenu que les déclarations de M. Duchesneau sont sans fondement en ce qui concerne le PQ. «Chez nous, le financement se fait par circonscription par des bénévoles qui sollicitent les membres», a-t-il résumé. Le PQ a une formule pour favoriser les dons de 400$ pour maximiser les remboursements d'impôt. Les «milieux de vie», le financement que faisait le PQ auprès des firmes de professionnels dans les années 90, n'existe plus. «Je ne commenterai pas cela. Ce que je peux dire, c'est qu'on n'a pas de milieux de vie dans notre financement», a tranché M. Tanguay.

Au PQ, le financement du parti comme le nombre de donateurs restent grosso modo les mêmes, que le parti soit au pouvoir ou dans l'opposition. «Ce que M. Duchesneau dit ne correspond pas à ce qui se passe au PQ», a souligné M. Tanguay.