La juge France Charbonneau se dit consciente des attentes de la population à l'égard de la commission qu'elle préside sur l'attribution des contrats publics dans le domaine de la construction. À l'ouverture du volet public de ses travaux, hier, elle a promis de ne pas ménager les efforts pour mettre en lumière l'infiltration du crime organisé dans cette industrie.

> En graphique: l'agenda de la commission Charbonneau

«Si notre défi est considérable, il mérite tous nos efforts afin de faire la lumière autour de l'industrie de la construction afin d'accroître la confiance du public», a-t-elle dit. Dans une déclaration d'une quarantaine de minutes, France Charbonneau a rappelé que son mandat est de dénoncer et de corriger les failles dans l'adjudication des contrats publics en construction.

Elle a par ailleurs assuré que l'appel lancé à la population en février a porté ses fruits. «Nous avons reçu une abondance de renseignements pertinents à nos travaux. Nous vous invitons à continuer à nous contacter.»

Rapport Duchesneau

«Consciente des attentes de la population», la juge a prévenu d'entrée de jeu que les audiences publiques seraient plus techniques, ce printemps. L'ex-directeur de l'Unité anticollusion, Jacques Duschesneau, sera ainsi parmi les premiers à comparaître. France Charbonneau a qualifié son rapport d'«incontournable, pertinent à notre mandat».

Les témoignages plus corsés que plusieurs attendent auront lieu à la mi-septembre, lorsque les travaux de la Commission reprendront après la pause estivale. Comme on s'attend à des révélations explosives sur l'industrie de la construction, la juge Charbonneau a assuré qu'elle protégerait les réputations qui pourraient être éclaboussées. Mais pas question de voir les «avocasseries» ralentir ses travaux, a-t-elle prévenu.

La Commission compte ratisser large: son mandat porte sur les contrats de construction accordés par tous les ministères, entreprises détenues par le gouvernement, villes, institutions d'enseignement et même les garderies subventionnées. Les audiences pourront ainsi toucher les sociétés d'État comme Hydro-Québec, la Société des alcools du Québec et Loto-Québec.

Au-delà de l'adjudication des contrats publics, la Commission compte se pencher sur l'infiltration du crime organisé dans l'industrie de la construction. Les mesures anticollusion adoptées par d'autres pays aux prises avec de tels problèmes, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Italie et les Pays-Bas, seront étudiées pour tenter de trouver des solutions pour le Québec. «Les sommes investies par l'État ont toujours attiré les profiteurs du système», a souligné la juge Charbonneau.

Délai serré

Le procureur en chef de la Commission, Me Sylvain Lussier, a reconnu que le délai d'octobre 2013 pour remettre son rapport final est très serré. «Ça va être un défi. C'est toujours envisageable de demander une prolongation», a-t-il indiqué lors d'un point de presse.

Me Lussier a par ailleurs indiqué que la Gendarmerie royale du Canada collabore bien avec la Commission depuis qu'elle a été contrainte par un jugement à partager l'information colligée dans le cadre de ses enquêtes. Ses agents ont ainsi transmis des vidéos de surveillance et de l'écoute électronique.

Pour éviter de nuire au processus judiciaire engagé dans le cas de certains acteurs de l'industrie de la construction qui font aujourd'hui face à des accusations, la Commission pourrait devancer ou retarder des témoignages ou décréter des interdits de publication temporaires.

La juge Charbonneau a par ailleurs invité les journalistes à ne pas interroger les témoins avant la fin de leur témoignage devant la Commission. Les commissaires souhaitent ainsi éviter que, comme cela s'est fait durant les travaux de la commission Gomery, des témoins ne donnent de longues entrevues la veille de leur témoignage.