La Conférence des juges du Québec estime que le gouvernement l'empêche d'effectuer son travail adéquatement en lui refusant un accès au rapport Bastarache avant sa publication.

L'avocate qui a représenté le regroupement devant l'enquête publique, Chantal Chatelain, a déclaré mardi que le ministère de la Justice lui a «récemment» signifié une fin de non recevoir, sans fournir de raisons.

«On a fait des démarches pour obtenir copie du rapport avant sa diffusion publique mais ces démarches se sont avérées infructueuses», a-t-elle dit lors d'une entrevue téléphonique à La Presse Canadienne.

Lundi, l'ex-ministre de la Justice, Marc Bellemare, dont les allégations de trafic d'influence dans la nomination des juges ont été au centre des travaux de l'enquête publique, a accusé le gouvernement de manquer d'équité en lui refusant de prendre connaissance du rapport final avant sa publication, prévue mercredi.

Selon Mme Chatelain, en obtenant un exemplaire au préalable, la Conférence des juges aurait pu plus facilement contribuer à préserver la confiance du public envers la magistrature, un objectif exposé par le regroupement dans sa demande de statut de participant à la commission, en juin dernier.

La Conférence aurait souhaité que toutes les parties représentées devant le commissaire Michel Bastarache puissent avoir accès à ses conclusions avant qu'il en fasse part, de manière à pouvoir offrir rapidement aux médias une réaction éclairée.

«On pense que le fait d'avoir eu accès au rapport en temps utile pour nous permettre de réagir et de réaffirmer le fait que les justiciables doivent avoir confiance envers le système de justice, ça participe de cet objectif», a dit Mme Chatelain.

Après s'être opposé à ce que les procureurs des participants puissent avoir accès au document lors d'un huis clos qui précédera de quelques heures sa publication, le gouvernement est cependant revenu sur sa décision, mardi.

Le rapport du commissaire Bastarache a été remis mardi avant-midi au conseil exécutif, le ministère du premier ministre.

Le conseil des ministres doit s'en saisir mercredi, ce qui permettra ensuite de le rendre public.

Malgré des appels répétés au bureau du premier ministre Jean Charest, depuis lundi, il a été impossible de savoir qui aura accès au document entre-temps.

En plus de M. Bellemare et de la Conférence des juges, le gouvernement du Québec, M. Charest, le Parti libéral du Québec (PLQ), le Barreau du Québec et le Tribunal administratif du Québec (TAQ) avaient obtenu le statut de participant.

Ils bénéficiaient d'un accès à la preuve déposée devant la commission et pouvaient aussi proposer des témoins.

L'avocat du PLQ, André Dugas, a affirmé qu'il n'avait pas réclamé d'accès préalable au rapport, même si deux de ses clients, les collecteurs de fonds Charles Rondeau et Franco Fava, étaient directement interpellés par les allégations de M. Bellemare.

«Ils avaient un intérêt certainement égal au sien et la loi ne prévoit pas qu'aucune personne doit recevoir le rapport avant le gouvernement, a-t-il dit. Une fois que le gouvernement le rend public, tout le monde est traité d'une façon égale. Ça m'a un petit peu révolté de voir la demande qui a été faite par (M.) Bellemare. Son petit show en fait.»

M. Dugas croit que le Conférence des juges n'a pas plus de droit à un accès au document.

«J'imagine qu'ils pouvaient penser que certaines personnes pouvaient avoir des reproches, a-t-il dit. Je les comprends d'avoir un intérêt mais ils n'ont pas plus de droits que nous autres.»

Selon M. Dugas, permettre de consulter le rapport avant sa publication aurait pu nuire à sa confidentialité en raison des risques de fuite.

«Quand on joue ''safe'', on ne sort pas le rapport avant que tout le monde l'ait en même temps», a-t-il dit.

Ni le Barreau, ni le TAQ n'ont réclamé une lecture préalable du rapport Bastarache, ont indiqué leur procureur.

Quant aux avocats du gouvernement et de M. Charest, ils n'a pas été possible de les joindre, mardi.