«Moi, j'aime encore autant La poule aux oeufs d'or!» lance l'une en riant.

«Ou les programmes pour enfants, tant qu'à y être!» renchérit sa voisine à la table.

«Le tennis. C'était très bien, le US Open!» déclare un autre.

«Le savez-vous, vous, si on en a encore pour longtemps, avec ces écoeuranteries-là? Parce que moi, j'aimais ça, avant, regarder les nouvelles, mais là, tout ce cirque commence sérieusement à m'ennuyer.»

Ils disent cela, mais autour de la table de cette résidence pour personnes âgées du Nord de Montréal, vous osez prononcer le nom Bastarache et la conversation s'emballe ferme. La Commission, ils la suivent, ils la suivent beaucoup.

«Dans le fond, la commission Gomery, c'était moins sale, lance René Pratte. Là, si ça continue de même, ils vont finir par s'entretuer!»

La performance de Jean Charest, contre-interrogé vendredi? Yvon Lacas n'a pas été impressionné. «Il prenait le plancher pour tuer du temps, mais il ne répondait pas aux questions. Il répondait comme un avocat, comme un bon avocat, et nous, on n'a pas su grand-chose finalement.»

«La vérité, on ne la saura jamais, croit Isabel, une très élégante Madrilène à l'accent chantant. Tout de même, Jean Charest, je l'ai quand même trouvé solide.»

«Il y en a là-dedans qui mentent, et qui mentent sous serment, devant la population du Québec, fait observer Marthe Plante. Moi, je crois la version de Marc Bellemare parce que Jean Charest n'en est pas à sa première cachotterie. Par exemple, c'est bien des années plus tard qu'on a su - et ce n'est pas parce qu'il s'en est vanté - qu'il recevait un cachet supplémentaire des coffres du Parti libéral.»

À 93 ans, Pauline a eu des ennuis de santé, en plus d'ennuis avec sa télévision, alors la commission Bastarache, elle ne l'a pas trop suivie. Va parler à Georges. Georges, lui, il connaît ça.

Et qu'en pense-t-il, Georges Bonhomme? Il pense qu'on aurait peut-être dû, finalement, faire une commission sur l'incompétence de Jean Charest. «Ce type, Marc Bellemare, ressort comme étant quelqu'un d'impossible. Or, c'était quelqu'un qui gravitait depuis longtemps dans l'entourage de Jean Charest. S'il était si mauvais, pourquoi Jean Charest en a-t-il donc fait son ministre de la Justice?»

Pour Georges Bonhomme, ce feuilleton a au moins l'intérêt de jeter un nouvel éclairage sur des événements passés. Comme cette fois, en 2003, où a refait surface le passé de danseuse nue de la fille de Marc Bellemare. «Ce n'est pas par hasard si cette affaire est sortie, à l'époque. Ils voulaient se débarrasser de Bellemare, ils n'avaient pas le courage de le faire à visage découvert, alors c'est ce qu'ils ont utilisé pour le détruire.»

L'heure de la vengeance a donc sonné pour Marc Bellemare, à son avis? «Je ne crois pas que ce soit là sa motivation. Chose certaine, j'aurais bien aimé que les avocats questionnent davantage Charest sur cette fois où Brian Mulroney avait dû le révoquer parce qu'il avait donné un petit coup de fil à un juge!

«Je ne sais pas à quoi elle aura servi cette commission, finalement, conclut M. Bonhomme. Jean Charest espérait qu'elle le blanchisse, mais avec tout ce que l'on entend, je doute que le rapport puisse le faire.»

«Ce que j'en conclus, moi, c'est qu'on ne saura jamais le fond de l'affaire. Il faut tout de même reconnaître que Jean Charest a le sang-froid d'un avocat de profession bien habitué à jouer ses cartes», dit Madeleine Grenier.

Quand l'idée d'une photo pour le journal est lancée, Mme Grenier y consent et s'exclame: «Si je me fais photographier, à la résidence, ils vont bien la mettre au babillard! Et pour une fois que ce sera la photo d'une personne bien vivante, plutôt que l'habituel avis de décès! Ça fera plus gai!»