De nouveaux témoins sont venus contredire les allégations de Marc Bellemare, hier. Le sous-ministre qu'on lui avait imposé, Me Louis Dionne, et celui qui était parti à Ottawa parce qu'il ne pouvait plus tolérer le style de gestion de son ministre, Me Michel Bouchard, ont réfuté plusieurs des faits dont disait se souvenir l'ancien ministre.

Dans son témoignage, Me Bellemare avait formellement soutenu qu'il avait informé le juge en chef Guy Gagnon que Michel Simard allait être nommé juge en chef adjoint. «Cette affirmation me semble surprenante parce que le juge Gagnon avait pris la peine de dire qu'il ne voulait pas s'immiscer dans la prérogative du ministre. Il le dédouanait. Cela a toujours été la position du juge Gagnon», a relevé Me Dionne, notes à l'appui.

Un fait correspond aux souvenirs de l'ex-ministre: les brèches évidentes de confidentialité dans le processus de sélection des juges, par exemple lorsque Franco Fava lui a appris qu'un candidat avait été jugé apte par un comité ad hoc. Le 2 février 2004, Marc Bellemare a téléphoné à son sous-ministre à 18h15 pour lui parler de plusieurs sujets, dont la confidentialité. «Le ministre souhaite que je rappelle aux troupes que la confidentialité est importante... pour la short list des personnes aptes à être nommées juges.»

Ancien militaire, Louis Dionne suit les ordres avec modération. «Je ne voulais pas aller trop loin, faire un commentaire comme ça aux employés, cela peut vite devenir un désaveu de son personnel. Je l'ai fait de façon anodine à un bureau de direction» a-t-il expliqué. «Je n'en ai jamais entendu reparler par le ministre.»

Louis Dionne a aussi déclaré que, durant son séjour à la Justice, jamais Marc Bellemare n'avait indiqué qu'il était l'objet de pressions indues pour le choix des magistrats. «S'il m'en avait informé, j'aurais certainement agi. Je serais entré en communication avec le secrétaire général du gouvernement. Il y aurait eu de l'action... On est là pour ça», a dit le mandarin.

Le témoignage du prédécesseur de Louis Dionne, le sous-ministre Michel Bouchard, a été plus émotif. Il a eu les larmes aux yeux quand il a raconté comment son adjoint de longue date, Pierre Legendre, a été mis sur la touche parce qu'il était le frère du ministre péquiste Richard Legendre. Pourtant, Me Legendre avait été nommé sous Robert Bourassa.

Le mécontentement de Marc Bellemare était évident. «Il a dit: "Je ne veux plus voir Pierre Legendre dans le bureau."» Le style de gestion du ministre ne correspondait pas au sien a dit le témoin: «J'accorde beaucoup d'importance aux relations personnelles. Les fonctionnaires sont prêts à se défoncer pour leurs patrons, mais il faut se mettre à leur place. Ça prend du temps... Ce n'est pas vrai qu'un projet de loi peut s'écrire sur un coin de table.»

Rappelant qu'il aimait recourir à l'humour pour détendre l'atmosphère au travail, M. Bouchard a souligné que les choses ont changé sous Marc Bellemare. «À l'époque décrite, on ne s'amusait plus, au ministère de la Justice», a-t-il conclu.