Clairement atteint par le témoignage de Marc Bellemare devant la commission Bastarache, le premier ministre Charest a nié en bloc mardi les allégations de son ex-ministre. La collision survenue maintes fois au printemps s'est reproduite: les deux hommes maintiennent leur version des faits, diamétralement opposées.

Pendant une bonne partie de l'après-midi, on a tergiversé, au bureau du premier ministre, sur l'opportunité de répondre sur-le-champ au témoignage percutant de Me Bellemare.

Puis, en fin de journée, Jean Charest a prévenu qu'il n'était pas question de commenter chaque jour les travaux de la commission. «Mais je sentais le besoin de réaffirmer ce que j'ai déjà dit, je ne voulais pas laisser une information comme celle-là sans que les Québécois puissent entendre, de ma bouche, que jamais je n'ai été, moi ou mon gouvernement, l'objet d'influences indues», a-t-il dit dans une brève déclaration. «M. Bellemare n'a pas soulevé avec moi la question d'influences indues dans la nomination des juges. J'ai encore moins dit à M. Bellemare d'accepter une nomination parce qu'il était sous pression de qui que ce soit», a-t-il martelé.

Le premier ministre témoignera aussi à la commission chargée de se pencher sur le processus de nomination des juges. Mardi, il n'a accepté que quelques questions, tirant rapidement un trait sur son intervention.

Devant le commissaire Michel Bastarache, avec aplomb, M. Bellemare a soutenu en matinée qu'il avait été l'objet de pressions «colossales» de la part d'un collecteur de fonds du PLQ, Franco Fava, qui lui demandait de nommer Marc Bisson à la magistrature. Me Bisson est le fils d'un important organisateur libéral de l'Outaouais.

M. Fava est aussi intervenu en faveur de la promotion du juge Michel Simard au poste de juge en chef adjoint, un souhait qu'avait aussi formulé un autre financier du PLQ, Charles Rondeau.

M. Bellemare a soutenu que, le 2 septembre 2003, il a longuement parlé de ces pressions indues à Jean Charest, lequel lui aurait intimé l'ordre de se plier aux demandes de Franco Fava. M. Charest aurait souligné l'importance des responsables du financement pour un parti politique et conclu: «Si Franco Fava demande de les nommer, nomme-les!»

L'ex-ministre a maintes fois soutenu que M. Fava se vantait d'être un ami personnel du premier ministre. C'est cette allégation que s'est surtout employé à attaquer Jean Charest.

«C'est une connaissance, a-t-il soutenu. Je ne suis pas un proche de M. Fava. Je connais M. Fava, je ne l'ai jamais reçu dans mon bureau et il n'a pas d'accès privilégié.» Ainsi M. Fava n'était pas avec le premier ministre Charest lors de l'élection des libéraux en avril 2003 - ce que répétait pourtant souvent l'entrepreneur de Québec, au dire de l'ancien ministre.

Quant à la rencontre qu'il aurait eue avec M. Bellemare à son bureau le 2 septembre, M. Charest a été moins catégorique. Son équipe est à colliger l'information, mais il est clair qu'il y a eu d'autres rencontres avec lui, a-t-il expliqué.

Toutefois, «jamais M. Bellemare m'a soulevé cette question (des nominations) et encore moins qu'il faisait l'objet de pressions indues», a insisté M. Charest. Il n'a pas relevé la question sur l'allégation de Me Bellemare voulant que M. Fava ait transmis une somme importante en liquide à un permanent du parti dans un restaurant de Québec.

M. Charest ne prévoit pas commenter quotidiennement les témoignages entendus par le commissaire Bastarache, mais il compte bien le faire «si nécessaire».