Le gouvernement Marois avait en main tous les avis juridiques nécessaires pour aller de l'avant avec le projet de charte des valeurs, a soutenu, mardi, le député Bernard Drainville.

L'ex-ministre des Institutions démocratiques a rompu le silence pour contredire les libéraux et répliquer à ceux qui l'accusent d'avoir menti à la population.

Mais son collègue Jean-François Lisée se montre très critique face à la gestion du débat par ses pairs de l'ancien gouvernement. Il estime que M. Drainville et l'ex-ministre de la Justice, Bertrand Saint-Arnaud, auraient dû faire preuve de plus de transparence dans ce dossier.

«Le fait que l'opposition libérale ait constamment voulu avoir les avis juridiques, c'est irresponsable. Je pense que, de bonne foi, MM. Drainville et Saint-Arnaud ont dit: »il y a des avis, nous ne les donnons pas». Cela aurait été préférable qu'ils soient plus clairs sur la nature des avis qu'ils avaient tout simplement demandés», a déclaré le député de Rosemont, en point de presse.

«Je pense que si nous avions été plus transparents au moment où cela se faisait, nous n'aurions pas cette discussion en ce moment», a-t-il ajouté, peu après avoir prêté serment à titre de député - absents lors de l'assermentation du caucus péquiste, M. Lisée et ses collègues Lorraine Richard et Élaine Zakaïb ont prêté serment mardi après-midi.

En entrevue à La Presse Canadienne, M. Drainville a d'abord confirmé que le projet de loi 60, dans son ensemble, n'avait pas fait l'objet d'un avis juridique formel de la part du ministère de la Justice. Cette information, divulguée la semaine dernière par la nouvelle ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, en a amené plusieurs à conclure que M. Drainville avait menti aux Québécois en prétendant détenir des avis «constitutionnels».

Or, à défaut d'un avis sur l'ensemble du projet de loi, les juristes de l'État ont fourni «plusieurs avis écrits» sur divers éléments de la charte, a juré le député péquiste.

«À partir du moment où tu te fais traiter de menteur, tu dis, là, ça va faire», a lancé M. Drainville au bout du fil au sujet de sa décision de sortir publiquement.

«Je vais dire la vérité: il y en avait, on en avait des avis juridiques du ministère de la Justice. On en avait plusieurs, des avis écrits, qui se sont ajoutés à l'avis formel qu'on avait obtenu (du constitutionnaliste) Henri Brun sur le projet de la charte et qui se sont ajoutés aussi à toutes les opinions, les analyses, les conseils juridiques que j'ai obtenus dans les mois précédant le dépôt de la charte. J'ai rencontré tout près d'une dizaine de juristes et pas les moindres», a-t-il dit.

Parce que le gouvernement disposait déjà d'une «vue d'ensemble» des opinions juridiques portant sur la charte, il n'a pas jugé opportun de soumettre tout le projet de loi à l'examen des juristes, a expliqué M. Drainville.

Selon le député de Marie-Victorin, les avis obtenus étaient «partagés» sur la constitutionnalité de la charte et le gouvernement a choisi d'adhérer à la thèse selon laquelle le projet était constitutionnel. En se basant sur l'éventail des opinions, avis et analyses, le Parti québécois au pouvoir a conclu que son projet tenait la route.

«Tu ne peux pas attendre que tous les juristes soient d'accord pour prendre une décision. Un moment donné, tu demandes conseil auprès des juristes, ils soumettent une opinion, leurs avis, et le gouvernement tranche. Dans ce cas-ci, on a tranché en faveur de la constitutionnalité. Maintenant, il y avait un débat et il y aura toujours un débat», a-t-il dit.

Le père de la charte de la laïcité n'a pas voulu élaborer sur la nature des avis demandés mais il a précisé que l'aspect de l'interdiction du port des signes religieux par les employés de l'État «a été couvert» par l'examen des juristes. Les thèmes de l'égalité homme-femme, du recours à la clause dérogatoire et de la liberté de religion ont aussi été scrutés.

Au nom du respect des institutions, M. Drainville ne souhaite pas que le gouvernement libéral rende publics les documents juridiques liés aux différents aspects de la charte.

Il accuse le premier ministre Philippe Couillard et la ministre Vallée d'avoir violé dès leur entrée en fonction le principe selon lequel le gouvernement ne dévoile jamais le contenu des avis qu'il demande aux juristes de l'État. Dans le système parlementaire, le «secret» entourant les avis est gardé pour protéger le processus législatif.

«Elle (la ministre Vallée) a créé les conditions pour qu'à l'avenir, les partis, les citoyens, les groupes de pression demandent que les avis juridiques soient dévoilés. Pourquoi, comme ministre de la Justice, a-t-elle fait preuve d'une telle irresponsabilité? C'est une drôle de façon de commencer son mandat. Elle nous doit des explications», a déclaré M. Drainville.

Après avoir promis en campagne électorale de rendre publics les avis juridiques sur la charte, le gouvernement Couillard a battu en retraite plus tôt cette semaine. Le bureau de la ministre de la Justice a fait savoir que les avis portant sur des éléments spécifiques du projet de loi 60 resteront secrets.

La ministre Vallée n'y voit pas une rupture d'engagement. Le Parti libéral désirait rendre publics les avis portant sur le projet de loi 60 dans son entièreté et ne s'est jamais engagé à publier des documents à la pièce, a-t-elle fait valoir.

«Si M. Drainville a colligé différents avis à la pièce et s'est fié là-dessus pour son projet de loi, ça lui appartient. Mais sur le projet de loi 60, il n'y a pas d'avis. (...) L'engagement ne consistait pas à ouvrir la bibliothèque du ministère de la Justice et dire: allez piger dans tous les avis qui sont là», a soulevé Mme Vallée.