Le ministre conservateur Jason Kenney appuie Philippe Couillard qui envisage de traiter des questions soulevées dans la charte québécoise de la laïcité dans son propre projet de loi.

Ce projet de loi établirait notamment que les services aux citoyens doivent être livrés à visage découvert.

À peine élu, le premier ministre libéral parle de présenter sa propre mouture de charte, dans un projet de loi qui réunirait les idées qui font consensus, comme les balises pour les accommodements raisonnables. M. Couillard mettrait au rancart l'interdiction pour les employés de la fonction publique de porter des signes religieux ostentatoires, l'élément le plus controversé du projet péquiste.

Interrogé à ce sujet mercredi, le ministre Kenney a dit que cette proposition du chef libéral du Québec lui «semblait tout à fait raisonnable».

«J'ai toujours dit que ce serait inadmissible pour un fonctionnaire fédéral de traiter un client, un citoyen à visage couvert», a déclaré le ministre fédéral du Multiculturalisme.

M. Kenney dit n'avoir jamais entendu parler d'un tel cas au fédéral, mais qu'on lui avait rapporté que des personnes avaient prêté serment de citoyenneté canadienne le visage caché. Il affirme avoir ensuite publié une règle pour interdire cette pratique.

Le ministre de Stephen Harper avait dans le passé été cinglant envers le projet de charte des valeurs québécoises du gouvernement péquiste. Il avait même dit que le fédéral irait devant les tribunaux pour protéger les droits des minorités religieuses si la charte ne respectait pas les droits et libertés des citoyens.

Quant à savoir pourquoi l'interdiction du voile le choquait et non pas celle d'interdire le visage couvert, il a expliqué que l'usage pour les femmes musulmanes de cacher leur visage n'est pas une pratique religieuse, mais bien une «coutume culturelle».

Et le ministre Kenney n'a pas voulu se prononcer sur la nécessité de voter à visage découvert: il juge qu'il s'agit d'une toute autre question, puisque les citoyens peuvent de toute façon voter par la poste, sans jamais se montrer le bout du nez.

De leur côté, les chefs libéral et néo-démocrate à Ottawa disent faire confiance à M. Couillard pour le projet de loi qu'il envisage.

«Je connais bien Philippe Couillard. Je le connais assez pour savoir que ça serait fort étonnant qu'il ne respecte pas ces libertés-là et je vais attendre de voir quelque texte que ce soit avant de commenter plus avant», a déclaré mercredi Thomas Mulcair.

«On va toujours se battre pour le respect des libertés individuelles et ça m'étonnerait beaucoup que ça aille (la proposition de M. Couillard) contre ces libertés-là», a-t-il ajouté.

M. Mulcair est aussi d'avis que d'offrir des services au public à visage découvert est tout à fait respectueux des libertés.

Le chef libéral Justin Trudeau abonde dans le même sens.

«Je suis certain que M. Couillard, comme tout libéral, sera extrêmement sûr d'être en ligne et d'être aligné avec la charte, et canadienne et québécoise des droits et libertés», a dit M. Trudeau.

Mais le Bloc québécois, qui avait approuvé le projet de charte péquiste, trouve que le ministre Kenney fait preuve de mauvaise foi en donnant son accord à un possible projet de loi de M. Couillard sans l'avoir encore vu.

«On est prêt à donner un chèque en blanc à un gouvernement qui vient tout juste d'être porté au pouvoir. Alors je pense que M. Kenney est allé beaucoup trop rapidement. Attendons de voir le projet de M. Couillard avant de porter un jugement», a souligné le député bloquiste Jean-François Fortin.

Il ne croit pas que les paroles de M. Kenney, au surlendemain d'une élection qui a vu la défaite du Parti québécois, démontre que le gouvernement conservateur est beaucoup plus disposé envers un gouvernement québécois libéral.

«Le gouvernement fédéral est disposé à indisposer les forces souverainistes. On le voit dans cette prise de position-là rapide, sans même avoir vu le projet de loi de M. Couillard», a commenté M. Fortin.