Fatima Houda-Pepin a déposé mercredi son projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État avec l'accord de tous ses collègues députés, y compris les libéraux qui l'avaient bloqué au caucus de leur parti.

> Le projet de loi de Fatima Houda-Pepin (PDF)

Pour embarrasser les troupes de Philippe Couillard, le leader parlementaire du gouvernement, Stéphane Bédard, a demandé que le dépôt du projet de loi fasse l'objet d'un vote nominal - chose rarissime. Tous les députés présents se sont levés pour appuyer le dépôt du document. Le Parti libéral n'avait pas l'intention d'empêcher leur ex-députée, devenue indépendante après son exclusion du caucus, de présenter son projet.

Le ministre Bernard Drainville se montre « ouvert » à intégrer à sa Charte des propositions de Mme Houda-Pepin. Mais il trouvera que son projet de loi ne va pas assez loin à certains égards.

La députée musulmane propose en effet d'interdire le port de signes religieux non pas à tous les employés de l'État comme le souhaite le gouvernement, mais plutôt aux « personnes en autorité contraignante » seulement (juges, policiers, gardiens de prison et procureurs de la Couronne). Elle reprend donc la recommandation de la commission Bouchard-Taylor.

Elle veut interdire le port du niqab, de la burqa et du tchador chez les employés de l'État - une position partagée par les libéraux. Les services publics doivent être donnés et reçus à « visage découvert », stipule le projet de loi, une mesure voulue par tous les partis.

« Le projet de loi interdit à quiconque d'invoquer une conviction religieuse pour contester un programme d'enseignement préscolaire, y compris la prématernelle, primaire ou secondaire d'un établissement d'enseignement de l'État, ou pour refuser de s'y conformer », indique le projet de loi. On ne pourrait pour les mêmes motifs «  soustraire un enfant de l'obligation de la fréquentation scolaire ».

Mme Houda-Pepin veut également interdire à quiconque  « d'exiger que la manière de recevoir un service de l'État soit basée sur sa conviction ou sur son appartenance religieuse, notamment en ce qui a trait au genre de l'employé de l'État ».

Le projet de loi prévoit que « nul ne peut célébrer un mariage religieux à moins qu'il ne respecte l'âge légal du mariage, l'égalité juridique des époux et leur libre consentement, sous peine de nullité du mariage et de la révocation par l'État de l'autorisation de célébrer des mariages ». Il interdit la pratique de la polygamie et les « mutilations génitales féminines pratiquées à des fins non thérapeutiques, notamment l'excision ».

Le projet de loi établit des balises, la plupart déjà reconnues, pour juger les demandes d'accommodement.

Fatima Houda-Pepin souhaite également la création d'un « centre de recherche-action sur les intégrismes religieux et leurs impacts sur la démocratie, les droits de la personne et les droits de la jeunesse.» Il aurait pour mandat « d'identifier et de documenter les manifestations d'intégrisme religieux basées sur l'instrumentalisation des religions ou sur un code d' honneur ». Le premier ministre devrait déposer un rapport annuel contenant les résultats des travaux de ce centre et « recommander toute mesure législative ou réglementaire nécessaire à la mise en oeuvre du rapport ». Ce pourrait être « l'adoption de sanctions appropriées, telles que la révocation de l'enregistrement d'un organisme de bienfaisance aux termes de la Loi sur les impôts ».

Mme Houda-Pepin présentera son projet de loi aux caucus péquiste et caquiste, dans des réunions à huis clos.