L'ex-juge de la Cour suprême du Canada Louise Arbour est formelle: la Charte de la laïcité du gouvernement Marois ne passera jamais le test des tribunaux.

Le chant des sirènes

Celle qui a aussi été le chien de garde des droits de l'homme pour les Nations unies estime sans «aucun doute» que la proposition «porte atteinte à la liberté de religion».

«Il est particulièrement odieux d'en faire payer le prix à des femmes déjà marginalisées et pour qui l'accès à l'emploi est un facteur clé à la fois d'autonomie et d'intégration», écrit-elle en référence aux musulmanes qui portent le hijab, dans une lettre publiée en exclusivité par La Presse.

Mme Arbour y critique vivement le projet de loi mené par Bernard Drainville.

Les Québécois doivent se garder d'être charmés par un certain nationalisme rétrograde et continuer à s'ouvrir sur le monde, plaide-t-elle.

«La Charte de la laïcité nous incite à céder au chant des sirènes, illustre Mme Arbour. Ce chant évoque l'image nostalgique d'une société homogène catho-laïque, où «nos» symboles religieux nous paraissent inoffensifs [...] alors que ceux des «autres» feraient au contraire peser une menace permanente sur nous.»

Louise Arbour a siégé à la Cour suprême du Canada de 1999 à 2004, après avoir été procureure au Tribunal pénal international. Après son passage à Ottawa, elle a accepté le poste de haut-commissaire de l'Organisation des Nations unies aux droits de l'homme.

Elle dirige actuellement l'International Crisis Group, une organisation non gouvernementale qui travaille à détecter et à prévenir les tragédies humanitaires.

Pas d'unanimité

Dans sa lettre, Louise Arbour ajoute que la protection des libertés fondamentales est particulièrement importante lorsque vient le temps d'imposer des limites aux minorités.

«Le plus difficile dans la reconnaissance des droits, c'est de leur donner effet quand cela dérange, et plus cela dérange, plus on doit être prudent avant de les écarter», écrit-elle.

Son ex-collègue à la Cour suprême Claire L'Heureux-Dubé a déjà pris position en faveur de la Charte des valeurs du gouvernement Marois.

«Rien dans le projet de loi 60 n'entrave la croyance religieuse et la pratique de la religion», a assuré Mme L'Heureux-Dubé au Devoir. «La religion est d'abord et avant tout un engagement intérieur, une croyance. [...] Les signes religieux font partie de l'affichage de ses croyances religieuses et non pas d'une pratique de la religion.»