Il y a un an jour pour jour, Fatoumata Diallo a perdu son mari dans l'attentat visant la Grande Mosquée de Québec. Elle a aussi gagné quelque chose.

« Des fois, on a besoin d'aide, et c'est dans ces moments qu'on voit qui sont nos vrais amis. Tout le monde était là. Des gens de partout. Des gens que je ne connaissais même pas. De Toronto. De Montréal. De Québec. Des Guinéens, des Arabes, des Québécois. Ça m'a vraiment touchée. 

« On a reçu tellement d'appui. Des lettres. Des appels. Ça nous fait sentir qu'on est là, qu'on vit tous ensemble. Même si des personnes veulent nous diviser, on voit que ça a touché les gens de toutes les couleurs et toutes les confessions. »

Fatoumata nous accueille dans l'appartement de son frère, situé juste en face de la Grande Mosquée de Québec, où est mort son mari Ibrahima Barry le soir du 29 janvier 2017.

L'homme de 39 ans, père de quatre enfants de 3 à 13 ans, informaticien chez Revenu Québec, a croisé le chemin du tireur en sortant du centre islamique après la prière.

Il est tombé sous les balles devant la porte, dans la neige, à côté de son ami et voisin Mamadou Tanou Barry, mort lui aussi.

Fatoumata a attendu toute la nuit que le père de ses enfants revienne à la maison. Le lendemain, elle a attendu toute la journée de ses nouvelles. La police lui a annoncé en après-midi ce qu'elle refusait d'envisager. Elle parle d'un « cataclysme ».

« JE NE SAIS PAS POURQUOI IL L'A FAIT »

L'année a été difficile. Elle ne vous dira pas le contraire. Mais lentement, la tempête se calme.

« On essaie d'aller de mieux en mieux. Ça va mieux que la première fois. J'ai reçu beaucoup de soutien », dit-elle.

Les enfants aussi s'en sortent. « Les enfants sont parfois plus courageux que nous. On en parle beaucoup à la maison. Ce n'est pas un tabou. On parle des bons moments passés avec lui. On parle de la mort. On parle de la vie après la mort », dit la maman, dont les encouragements de l'homme qui partageait sa vie lui manquent particulièrement.

Lorsqu'on lui demande si elle en veut au tireur, la discrète femme de 32 ans hésite.

« Je ne veux pas répondre à cette question parce que je ne sais pas pourquoi il l'a fait. »

« Au début, j'étais fâchée, mais quand j'ai vu la réaction des gens, ça m'a aidée. C'est un moment horrible et on peut faire mieux. Mais on lit tous ces témoignages et ça réconforte », dit la veuve.

Peu après la tragédie, une femme qu'elle ne connaissait pas est allée voir la directrice de l'école que fréquente une de ses filles. Elle aussi a un enfant à l'école, et elle voulait aider. La directrice a mis les deux mamans en contact. L'inconnue a aidé la jeune veuve à acheter des fournitures scolaires. « On est allées faire les courses ensemble », dit Fatoumata en souriant.

« INSÉCURITÉ COLLECTIVE »

Plusieurs membres de la communauté musulmane ont avoué avoir peur depuis la fusillade. La mosquée est la cible de messages haineux depuis un an. En juillet, en plein coeur du débat sur l'aménagement d'un cimetière musulman à Saint-Apollinaire, le centre islamique a reçu un Coran barbouillé avec une photo d'une porcherie. En août, la voiture du président de la mosquée, Mohamed Labidi, a été incendiée.

La veuve d'Ibrahima Barry raconte qu'il existe « une sorte d'insécurité collective dans la communauté ». « C'est de l'incompréhension. On ne comprend pas ce qui s'est passé. »

Elle assure toutefois ne pas ressentir plus de peur qu'avant. 

« Ma foi m'a beaucoup aidée là-dessus. Ça m'a aidée à garder la force et à me sentir en sécurité », affirme-t-elle.

Elle assure aussi ne jamais avoir regretté, depuis l'attentat, de s'être installée au Québec avec sa famille. Ils sont venus ici « pour vivre mieux », et c'est ce qu'elle entend faire.

En avril, après la mort d'Ibrahima, sa mère et ses deux soeurs, des jumelles de 16 ans, sont arrivées de Guinée pour l'aider. La famille a entrepris des démarches pour leur permettre de rester au pays. Fatoumata croise les doigts. Particulièrement pour ses jeunes soeurs, à qui elle souhaite donner la même chance qu'à ses enfants.