Dans les heures qui ont suivi l'identification du tireur qui s'était infiltré dans le Centre culturel islamique de Québec, il y a 10 jours, nombreux sont les curieux qui se sont rués sur Facebook afin d'en apprendre plus sur Alexandre Bissonnette. Beaucoup ont voulu lui exprimer leur colère, d'autres lui ont envoyé des demandes d'amitié. Seul détail : dans bien des cas, ils sont tombés sur le mauvais profil...

En tout cas, un autre Alexandre Bissonnette s'est réveillé, le lundi suivant la tragédie, au son de son téléphone qui l'alertait de nombreuses demandes provenant de son application Facebook. Le jeune homme, qui a lui aussi grandi à Québec, ainsi que sa copine ont passé la semaine à gérer des communications qui leur étaient adressées par erreur, mais qui témoignent d'une réaction pour le moins émotive de gens pressés d'entrer en contact avec celui qui venait tout juste d'abattre six personnes. Interloqué par tout ça, il a décidé de se confier à La Presse.

Question: Comment avez-vous pris connaissance de cette tragédie ?

Réponse: J'ai appris la nouvelle [de la tuerie] le lendemain matin, quand j'ai commencé à recevoir des messages via Facebook. Je n'étais pas devant mon téléviseur, ni même très présent sur Facebook la veille, c'est cette réaction des gens sur internet qui m'a fait réaliser ce qui venait de se produire à Québec.

J'ai reçu une soixantaine de demandes d'amitié. Puis je suis allé voir ma messagerie, j'ai vu des messages de gens qui me traitaient de meurtrier et de terroriste, d'autres qui me bénissaient. Parce que Facebook permet de faire le lien, ma copine aussi a reçu un bon nombre de demandes de contact de gens se demandant c'est comment, de sortir avec un meurtrier... Je me suis demandé si je ne devais pas alerter la police !

Q: Comment avez-vous réagi ?

R: J'ai été étonné de la vitesse à laquelle la nouvelle s'est propagée. J'ai reçu des messages en provenance d'Angleterre, de France, des États-Unis... Les médias ont diffusé le nom du tireur, mais ils n'ont pas publié sa photo immédiatement. Plus tard, ils ont arrêté de la publier. Je comprends la raison de ce geste, mais j'ai moins aimé que le nom circule, mais pas la photo de la personne, puisque ça ne permettait pas de l'identifier plus clairement.

Un ami en Argentine m'a suggéré de changer mon nom sur Facebook, ce que j'ai fini par faire. Ça s'est calmé à partir de là. J'imagine que tous les Alexandre Bissonnette de la province ont fait la même chose...

Q: Qu'est-ce que vous pensez de la réaction des gens sur Facebook ?

R: Sur Facebook, on a un portrait assez intime d'une personne, donc ça attire la curiosité des gens qui n'ont pas mieux à faire ou qui ont besoin de se défouler. Un réseau social, c'est bien quand ça mène à des mouvements de solidarité, mais là, ce n'est pas ce qui s'est produit.

Est-ce qu'entrer en contact avec un tueur est la bonne façon de réagir à un événement comme celui-là ? En tout cas, les médias sociaux ne sont pas la place pour ça à mon avis. Surtout quand, en plus, les attaques se trompent de cible...

Q: Pensez-vous que ça va influer davantage sur votre quotidien ?

R: J'ai changé mon profil Facebook, mais mon nom, ça reste mon vrai nom. C'est associé à un événement tragique, au même titre que Marc Lépine et la Polytechnique, mais j'espère que ça ne va pas rester... En tout cas, en dehors de Facebook, les gens ne semblent pas trop réagir quand je me présente.