La Gendarmerie royale du Canada (GRC) n'est plus certaine de vouloir rendre publique la vidéo dans laquelle le tireur du parlement aurait énoncé les motifs derrière son geste.

Quelques jours après la fusillade du 22 octobre dernier, la police fédérale avait laissé entendre que l'enregistrement en question pourrait être rendu public, mais pas «pour l'instant», et qu'il fallait donc «être patient».

Voilà que la police fédérale semble avoir changé d'idée.

Son commissaire, Bob Paulson, a affirmé lundi que, réflexion faite, la vidéo pourrait bien demeurer secrète.

«J'avais dit que j'espérais être en mesure de rendre la vidéo publique, mais je pense qu'elle constitue un élément central de la preuve, alors je pense que nous devons sérieusement analyser les bénéfices et le bien-fondé de (sa) publication», a-t-il lâché lundi en marge d'une conférence de presse.

La GRC pourrait «considérer publier certains extraits d'une transcription de la vidéo», a-t-il ensuite spécifié, sans vouloir fixer d'échéancier à cet égard.

Le commissaire Paulson a fait valoir que la vidéo représentait un «élément de preuve» qu'il souhaitait conserver en vue d'«éventuelles démarches judiciaires» - la nature exacte de celles-ci demeure nébuleuse considérant que le tireur a été abattu.

M. Paulson a précisé qu'il était conscient de «l'intérêt public à comprendre ce qui se trouve dans cette vidéo» et a soutenu qu'il demeurait intéressé à partager «une certaine version de ce contenu» avec les Canadiens.

Ce changement de cap a laissé songeur le chef Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, qui a invité le commissaire à s'expliquer auprès de la population canadienne.

«Si c'était bon de le rendre public il y a quelques semaines, il faut quand même qu'il nous dise pourquoi maintenant il a décidé du contraire», sans quoi «toutes les spéculations vont avoir cours», a-t-il déclaré.

Son porte-parole en matière de sécurité publique, Randall Garrison, est allé un peu plus loin, plaidant que M. Paulson a désormais «l'obligation» de publier la vidéo puisqu'il l'a commentée publiquement.

«La population a donc le droit de savoir, surtout en raison des commentaires très forts du commissaire sur le contenu de cette vidéo», a-t-il affirmé en point de presse.

Le ministre de la Justice, Peter MacKay, a de son côté refusé de commenter l'affaire.

«C'est une décision qu'ils auront à prendre. C'est une décision opérationnelle», a-t-il dit à l'issue de la période des questions.

Selon la police fédérale, le tireur Michael Zehaf-Bibeau témoigne dans la vidéo des motifs d'ordre «idéologique» et «politique» l'ayant poussé à assassiner le caporal Nathan Cirillo et à faire irruption dans l'édifice du Centre avec un fusil de chasse.

Il a finalement été abattu par les services de sécurité de la colline du Parlement, après être passé devant les salles de caucus où étaient réunis les députés du Parti conservateur et du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Quelques jours plus tard, soit le 26 octobre dernier, la police fédérale signalait dans une déclaration écrite que le tireur avait préparé un enregistrement de lui-même «tout juste avant de commettre cette attaque».

«La GRC a trouvé des éléments de preuve convaincants voulant que l'attaque de Zehaf-Bibeau ait été menée pour des motifs idéologiques et politiques», avait écrit la police fédérale dans son communiqué de presse, concluant ainsi à une attaque de nature «terroriste».

Depuis, le premier ministre Stephen Harper et ses principaux ministres, ainsi que le chef libéral Justin Trudeau, ont employé ce terme pour qualifier l'attentat.

Thomas Mulcair s'est pour sa part refusé à le faire, plaidant notamment qu'il n'avait pas visionné la vidéo qui est entre les mains de la GRC.