Des pensionnaires d'un refuge pour sans-abri à Ottawa ont eu un choc hier matin en ouvrant le journal et en reconnaissant le suspect de la fusillade du parlement comme l'un de leurs cochambreurs.

 De nombreuses personnes rencontrées devant la Mission d'Ottawa ont confirmé que Michael Zehaf Bibeau avait résidé dans les dortoirs du centre-ville pendant environ une ou deux semaines avant la tragédie.

Selon deux résidants, il s'est plaint au cours des derniers jours de difficultés avec les autorités canadiennes au sujet de son passeport. «Il disait: "Je dois partir d'ici! Je dois partir d'ici! Cet endroit me rend fou"», a raconté Lloyd Maxwell.

«Il haïssait le Canada»

«Il nous a dit combien il haïssait le Canada parce qu'on a retenu son passeport. Il ne pouvait pas sortir du pays, ça le frustrait», a confirmé David Duchesne.

Il aurait aussi débattu lundi avec des résidants du refuge de l'utilité des manifestations publiques comme moyen de faire valoir son point de vue dans une société démocratique comme le Canada ou la Nouvelle-Zélande.

Plusieurs des personnes interviewées par La Presse ont décrit M. Zehaf Bibeau comme un homme réservé et dont ils se méfiaient. «J'évite les gens comme ça. Je garde mes distances», a dit Dave, qui n'a pas voulu dévoiler son nom de famille.

«Quelques nuits pendant qu'il était ici, j'ai dû le contourner dans la cage d'escalier parce qu'il était agenouillé sur une serviette et qu'il priait», a ajouté l'homme dans la cinquantaine coiffé d'une casquette.

Mais David Duchesne a indiqué qu'il lui avait parlé à quelques reprises et qu'il le voyait comme «un gars normal qui se tenait dans le coin et qui observait».

«Maintenant qu'on sait tout ça, c'est vrai qu'il avait un regard un peu diabolique... Des yeux froids», a-t-il cependant ajouté.

Selon M. Duchesne, M. Zehaf Bibeau pouvait communiquer en plusieurs langues, dont l'arabe, l'anglais, le français et le créole.

Comme plusieurs pensionnaires, il a relaté que mardi après-midi, peu avant 16h, l'homme tué dans la fusillade a utilisé le téléphone public du refuge à deux ou trois reprises pour tenter de louer une voiture.

«J'étais assis à côté du téléphone et il l'a utilisé mardi. On l'a entendu dire: "Est-ce que je peux payer cela par carte de crédit par téléphone?"»

«Il s'est retiré ensuite vers 16h, lorsque les gens ont le droit de monter aux dortoirs. On ne l'a pas vu beaucoup après», a ajouté M. Duchesne.

Un pensionnaire qui n'a pas voulu être nommé a dit avoir commencé à entretenir des doutes lorsque des agents de police se sont présentés au refuge mercredi soir et sont ressortis avec deux sacs contenant les effets personnels de leur cochambreur.

C'est hier que David Duchesne a pleinement réalisé la proximité du drame. «C'est un choc. On savait tous à quoi il ressemblait. Quand on a vu la photo de lui ce matin, on s'est dit: "Oh! mon Dieu! C'est lui! C'est lui! C'est le gars qui était assis dans le coin pendant environ une semaine et qui observait autour de lui."»