Les cinq hommes et sept femmes chargés de juger le couple Shafia et leur fils ont commencé à délibérer en fin d'après-midi, vendredi, à Kingston. Le juge Robert Marenger a ouvert trois verdicts possibles pour chacun des accusés: coupable de meurtres prémédités, coupable de meurtres non prémédités, ou non coupable.

Même si les accusés subissent un procès commun, leur cas doit être étudié séparément et le jury pourrait arriver à des verdicts différents pour chacun d'eux, a fait valoir le juge, qui a donné ses directives pendant toute la journée. Mohammad Shafia, 59 ans, sa femme Tooba, 42 ans, et leur fils Hamed, 21 ans, sont accusés des meurtres prémédités de leurs trois filles (soeurs d'Hamed) et de la première femme de Mohammad. Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, Geeti, 13 ans, et Rona, 53 ans, ont été trouvées noyées dans une Nissan au fond de l'écluse de Kingston Mills, le matin du 30 juin 2009. La Couronne soutient que les trois accusés ont tué les quatre femmes parce qu'ils considéraient qu'elles déshonoraient la famille en ne se pliant pas aux règles établies. La défense soutient qu'il s'agit d'un tragique accident.

Vendredi, le juge a rappelé que 58 témoins ont été entendus et que plus de 160 pièces à conviction ont été déposées dans ce procès qui est sur les rails depuis la mi-octobre. Vendredi, le juge a expliqué les règles pour arriver à un verdict. Il a dit aux jurés que s'ils croyaient à la thèse de l'accident, ils n'avaient pas à poursuivre leurs délibérations et devaient acquitter les trois accusés. S'ils croient au contraire qu'il s'agit de meurtres, ils doivent décider s'il s'agissait de meurtres prémédités ou non, et analyser l'implication (ou non) de chacun des accusés. Après avoir expliqué les règles pour arriver à un verdict, le magistrat a rappelé et résumé l'abondante preuve qui a été entendue au cours de ces trois mois de procès.

Preuves non présentées

Pour un procès de cette envergure, peu de preuves n'ont pas été présentées au jury. Mais il y en a tout de même. Le jury l'ignore, mais un jeune garçon qui habite dans une maison en face de l'écluse a vu et entendu des choses la nuit de la tragédie. Vers 1h ou 2h du matin, le 30 juin 2009, l'enfant de 8 ans s'est levé pour aller prendre un verre d'eau. À l'enquête préliminaire, qui s'est tenue en février 2010, il a raconté avoir aperçu la forme de deux voitures près de l'écluse. Une petite avec les phares éteints, près de l'écluse, et une plus grosse, avec les phares allumés, près de la route. Le garçon a raconté avoir entendu un «splash, genre crash», et être sorti sur le balcon. Il a entendu un bref bruit de klaxon, comme un «bip», et ce fut tout. Il est retourné se coucher. La Couronne ne l'a pas fait témoigner, on ignore pourquoi.

Le jury n'a pas entendu non plus Hussain Hyderi, fils de Latif, que Zainab devait épouser au retour du voyage à Niagara. À l'enquête préliminaire, celui-ci a assuré que Zainab ne montrait aucun intérêt pour la conduite automobile. Les accusés prétendent que l'accident est dû à la témérité de Zainab qui, sans avoir de permis de conduire, a pris les clés de la Nissan pour aller faire une promenade à 2h du matin.

Autre élément non présenté au jury: par l'entremise d'une parente établie depuis longtemps au Canada, Mohammad Shafia aurait offert 10 000$ à l'avocate qui s'occupait des papiers d'immigration de Rona pour qu'elle arrête le processus. Rona, qui n'avait qu'un visa de visiteur, créait des problèmes à la famille, aurait signalé la femme. L'avocate a refusé.

Enfin, un événement où Mohammad Shafia aurait menacé Tooba avec un couteau devant plusieurs membres de la famille venus pour les funérailles, en juillet 2009, n'a pas non plus été présenté au jury.

La famille Shafia comptait 10 membres avant la tragédie. Quatre personnes sont mortes, trois sont accusées et deux des enfants survivants, majeurs maintenant, se trouvaient dans la salle d'audience vendredi. Ils ont échangé des signes d'encouragement avec les trois accusés, avant que ces derniers regagnent leur cellule en attendant le verdict.