Les quatre victimes de l'écluse de Kingston Mills ont péri noyées. Elles n'avaient consommé ni drogue, ni alcool, ni médicament, et trois d'entre elles avaient des bleus sur le dessus du crâne.

C'est ce que le pathologiste judiciaire Christopher Milroy a expliqué, lundi, au procès de Mohammad Shafia, de sa femme Tooba et de leur fils aîné, Hamed, qui sont accusés d'avoir tué avec préméditation trois filles et une femme de leur famille. Les soeurs Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, Geeti, 13 ans, et Rona, 50 ans, première femme de Mohammad Shafia, ont été trouvées dans une Nissan immergée au fond de l'écluse de Kingston Mills, le matin du 30 juin 2009. Le drame s'était produit dans les heures précédentes, lorsque la famille de 10 membres revenait de Niagara Falls à bord de deux voitures, une Lexus et une Nissan Sentra 2004.

Autopsies

Le Dr Milroy a commencé les autopsies des quatre victimes le 2 juillet. Elles étaient vêtues et leur corps n'avait subi aucune décomposition vu leur rapide découverte. Toutes avaient des aliments digérés en partie dans l'estomac, notamment des pommes de terre. Le pathologiste a aussi remarqué des bleus sur un muscle dans le cou de certaines des victimes. Mais cela ne signifie pas pour autant que quelqu'un les a prises à la gorge. Ce type de bleu peut avoir été causé par un mouvement rapide de la tête, de gauche à droite, une réaction physiologique normale et typique de quelqu'un qui se noie. «C'est un mouvement agonique», a précisé l'expert.

Rona, Zainab et Geeti présentaient des bleus sur le dessus du crâne, mais pas Sahar. Le procureur de la Couronne Gerard Laarhuis a tenu à montrer au jury les photos de l'autopsie exposant les crânes scalpés. Les bleus de Rona semblaient particulièrement importants. Mohammad Shafia s'est mis à sangloter en voyant la photo apparaître sur l'écran. Sa seconde femme, Tooba, n'a pas assisté au témoignage du Dr Milroy. Elle avait demandé et obtenu la permission de ne pas être dans la salle de cour à ce moment. Elle avait fait la même chose au début du procès, au moment de la présentation de la vidéo marine montrant la Nissan au fond de l'écluse.

En ce qui concerne les ecchymoses au crâne, le pathologiste n'exclut pas qu'elles aient pu être causées par un coup à la tête. Mais en contre-interrogatoire, l'expert a admis qu'elles auraient pu être faites autrement, par exemple si les victimes se sont heurtées contre la voiture lors de sa chute. Il est à noter que Geeti, la plus jeune, avait aussi une ecchymose à une épaule. Tous ces bleus auraient été faits peu de temps avant la mort.

Peur de mourir

Lundi après-midi, une proche parente de Rona a été appelée à la barre. La femme, qui vit en France, a raconté qu'elle parlait souvent à Rona au téléphone. Cette dernière, première femme de Mohammad Shafia, se disait malheureuse et voulait divorcer. Elle craignait pour sa vie, car elle avait surpris une conversation dans le couloir de la maison de Saint-Léonard. Cela s'est passé au printemps 2009, alors que Zainab avait quitté le domicile familial de Saint-Léonard pour se réfugier dans une maison pour femmes en difficulté. Alors qu'il parlait avec Tooba et Hamed, Mohammad aurait dit qu'il allait préparer ses documents, se rendre à Dubaï vendre ses propriétés, et qu'il tuerait Zainab en revenant.

«Et qu'est-ce qui va arriver avec l'autre?», aurait demandé Tooba ou Hamed. (La femme qui a témoigné n'est pas certaine.)

«Je vais la tuer aussi», aurait répondu Mohammad.Rona pensait que «l'autre», c'était elle. «Mais je lui ai dit: "Voyons, tu es au Canada, pas en Afghanistan. Il ne t'arrivera rien»», a expliqué le témoin.

Le procès se poursuit mardi, à Kingston.