Qualifiant les suggestions de la Couronne et de la défense d'exagérées, le juge André Vincent a fixé à 17 ans le temps que Guy Turcotte devra rester en prison avant d'être admissible à une libération conditionnelle, pour les meurtres de ses enfants. La Couronne demandait 20 ans, tandis que la défense suggérait moins de 15, plus près de 10.

D'entrée de jeu, vendredi matin, le juge a signalé qu'il s'agissait d'une affaire d'une «infinie tristesse, où un père aimant et attentionné tue, de sang-froid, ses deux enfants dans un contexte de séparation pourtant inévitable». Le juge a refait l'historique de la cause, allant du mariage de M. Turcotte avec Isabelle Gaston, jusqu'à après les meurtres des enfants. Au terme de son deuxième procès, le 6 décembre dernier, M. Turcotte a été déclaré coupable des meurtres non prémédités d'Olivier, cinq ans, et d'Anne-Sophie, trois ans, qu'il a tués à coups de couteau le 20 février 2009.  Le jury n'a pas adhéré à la thèse de non-responsabilité criminelle, soumise par la défense.

M. Turcotte, 43 ans, écope automatiquement la prison à vie pour ces crimes. Sauf que les meurtres au deuxième degré donnent la possibilité de demander une libération conditionnelle avant terme. La période de détention ferme ne peut cependant être inférieure à dix ans. Le jury qui a prononcé les verdicts à l'endroit de M. Turcotte aurait pu faire une recommandation sur la période minimale de détention, mais il a préféré s'abstenir. 

Pour calibrer la peine, le juge a tenu compte notamment des aggravants et atténuants. Il a insisté sur le fait qu'une peine n'était pas affaire de vengeance, mais de châtiment, et que celui-ci devait être juste. 

Le juge a parlé de crimes horribles, commis dans des circonstances qui l'étaient tout autant. Les enfants ont été poignardés à 46 reprises, ils étaient ses propres enfants. Son fils Olivier l'a supplié d'arrêter et s'est défendu. Sa fille de trois ans, Anne-Sophie, s'est arraché des cheveux de la tête pendant l'attaque.

«Leur calvaire aura été de voir leur père, qu'ils aimaient, et qui devait les protéger, les poignarder», a signalé le juge. Du côté des facteurs atténuants, M. Turcotte n'avait pas d'antécédent, le risque de récidive est minime, sa vie antérieure ne laissait pas présager autant de violence. Il avait jadis la réputation d'un homme choyé par la vie, d'un bon médecin, d'un père aimant. Sa réputation est ruinée, et celle qu'il risque d'avoir est celle d'un assassin d'enfants.

M. Turcotte pourra se faire créditer le temps qu'il a passé en détention, depuis son arrestation, le 21 février 2009. Cette tâche incombe à la Commission des libérations conditionnelles. Sa période d'incarcération  a été entrecoupée de périodes de liberté, entre ses deux procès. Elle équivaut  à environ 44 mois, en comptant le temps où il était sous garde à l'Institut Philippe-Pinel.

Au terme de son premier procès, le 5 juillet 2011, M. Turcotte avait été déclaré non criminellement responsable des meurtres de ses enfants, pour cause de troubles mentaux. Il avait été détenu à l'Institut Philippe-Pinel par la suite, jusqu'à sa libération, en décembre 2012. Il était cependant retourné en prison, en novembre 2013, quand la Cour d'appel avait ordonné qu'il subisse un nouveau procès. Il était resté en prison environ dix mois, avant d'obtenir sa remise en liberté sous cautionnement, en septembre 2014. Pendant tout son second procès, M. Turcotte était en liberté. Il a été incarcéré sur le champ au moment du verdict.

M. Turcotte en appelle du verdict rendu par le jury. Dans l'avis d'appel, Me Pierre Poupart relève trois points qui, selon lui, constituent des erreurs dans les directives que le juge Vincent a données au jury.

Extraits du jugement

• «Les rapports d'évaluation présentés lors des représentations sur la peine, ainsi que les différentes hospitalisations consécutives aux meurtres des enfants, nous indiquent que ce dernier manifeste des remords sincères.»

• «Il est parfaitement conscient de l'impact de ses gestes sur sa vie comme le démontre la déclaration qu'il a faite au personnel infirmier de Saint-Jérôme lorsqu'il dit: ma vie est finie, j'ai tué mes enfants.»

• «La preuve révèle qu'après son admission à l'Institut Philippe-Pinel, il était beaucoup plus intéressé par des aspects matériels, notamment pour la présentation de son moyen de défense et des paiements des honoraires de ses procureurs tant au civil qu'au criminel, que du sort qu'il avait fait subir à ses enfants. Le tribunal doit cependant convenir que le moyen de défense était sérieux, et a mérité la considération des jurés, qui ont délibéré consciencieusement...»

• «Il n'est pas étonnant que devant ces actes monstrueux, l'opprobre populaire se soit emparé de l'affaire, et que celle-ci se soit manifestée intensément, voire passionnément, dans les médias d'information. Le Tribunal n'a pas pour fonction d'assouvir les passions en prononçant une peine qui serait ou pourrait paraître déraisonnable...»