Guy Turcotte avait le jugement faussé par la maladie mentale quand il a tué ses enfants, mais il n'a jamais perdu contact avec la réalité. C'est ce qui se dégage des réponses que le psychiatre  Louis Morissette a données, mercredi, alors qu'il était contre-interrogé par la Couronne.

Le psychiatre retenu par la défense pour évaluer l'état d'esprit de M. Turcotte, est d'avis que le jugement de ce dernier était altéré au moment des faits, et que ses gestes n'étaient pas réfléchis, ni planifiés. Le procureur du ministère public, Me René Verret, trouve que le rapport d'évaluation réalisé par le psychiatre Louis Morissette à l'égard de Guy Turcotte escamote ou accorde peu d'importance à des détails qui sont pourtant significatifs. 

Me Verret a écumé la preuve, mercredi, pour faire ressortir des éléments qui, selon lui, montrent le contraire. Me Verret suggère même que l'accusé aurait agi par vengeance envers son ex-conjointe, Isabelle Gaston. Il y a notamment cette phrase que M. Turcotte a lancée à une infirmière, le 21 février 2009, alors qu'il était hospitalisé à l'hôpital de Saint-Jérôme, en raison de son intoxication au méthanol: «Tu diras à Isabelle que j'ai fait ça pour la faire chier, pour lui enlever ce qu'elle avait de plus précieux au monde.»

Certes, cette phrase a été rapportée au procès, par l'infirmière en question. 

Le Dr Morissette dit qu'il en a tenu compte, et qu'il a envisagé toutes les possibilités dans le cadre de son évaluation, incluant la vengeance. Il doute que ce soit le cas pour M. Turcotte, même s'il admet que c'est une «possibilité.»

Le procureur a rappelé que M. Turcotte avait annulé des rendez-vous prévus pour le lendemain, le soir du 20 février 2009. Il ne voulait plus faire garder les enfants, ni qu'il y ait une inspection dans la maison qu'il était en train d'acheter. Il a ensuite parlé avec sa mère pendant une heure, dans un entretien qui ressemblait à des adieux. Est-ce que ça ne démontre pas un plan, a demandé Me Verret?

Le Dr Morissette pense que M. Turcotte avait déjà commencé à consommer du lave-glace à ce moment là. L'annulation des rendez-vous du lendemain colle avec ses traits de personnalité. C'est un homme méticuleux, il a des traits obsessifs-compulsifs. Il a pensé à des détails qui paraissent infimes au regard de toute l'histoire. De la même manière, M. Turcotte a laissé un message à une secrétaire de l'hôpital, dans lequel, entre autres, il disait donner sa calculatrice, et réclamait un chèque de 350$. 

Le procureur a par ailleurs reproché au psychiatre d'avoir jeté ses notes des entrevues qu'il avait réalisées avec Guy Turcotte, en 2009. À l'époque, il avait été mandaté par la défense pour évaluer l'état mental de M. Turcotte. Le psychiatre s'est retiré en mai de la même année, pour «raisons personnelles.» Il est revenu dans le portrait en 2011, après le premier procès, alors que M Turcotte était détenu à l'Institut Philippe-PInel. Il a eu à évaluer  la dangerosité de M. Turcotte, en prévision de son passage devant la Commission d'examen des troubles mentaux.

Le contre-interrogatoire du psychiatre Morissette se poursuit jeudi.

Pas rare

Un peu plus tôt, mercredi, le Dr Pierre Marsolais, qui s'est occupé de M. Turcotte lorsque celui-ci a été admis aux soins intensifs de l'hôpital Sacré-Coeur, le 21 février 2009, a fini de témoigner. M. Turcotte était gravement intoxiqué au méthanol (contenu dans le lave-glace) et il a fallu lui faire des traitements à l'alcool et le mettre sous dialyse pendant 17 heures. 

L'intoxication au méthanol est un phénomène plutôt rare au Québec selon ce qu'on a entendu au procès. Mais ce n'est pas le cas à Calgary. Le Dr Pierre Marsolais se souvient que lorsqu'il s'occupait des soins intensifs de deux hôpitaux à Calgary, il y avait en moyenne un cas aux deux ou trois semaines, d'intoxication au méthanol, à l'éthylène glycol ou à l'alcool à friction.

Questionné par le procureur de la Couronne, le Dr Marsolais a toutefois admis qu'il ne pouvait dire combien de méthanol M. Turcotte avait bu, à quelle heure, et s'il en avait pris avant de tuer ses enfants.

M. Turcotte admet avoir tué ses enfants, mais il présente une défense de non responsabilité criminelle.