Guy Turcotte se souvient avoir poignardé ses enfants, le soir du 20 février 2009, mais ce sont des souvenirs qui lui viennent par flashs. Il dit ne pas être en mesure d'ordonner la séquence des événements. Il se voit dans la chambre d'Olivier, en train de «rentrer le couteau... Le petit gémit, dit "noooooon..." ».

«Là, je me rends compte que je suis en train de lui faire mal, je panique, je lui donne d'autres coups. Avec Anne-Sophie, c'est la même affaire... j'ai le flash qu'Olivier tousse et crache du sang», a raconté M. Turcotte en pleurs, hier après-midi, alors qu'il témoignait à son procès.

M. Turcotte a expliqué que ce fameux vendredi, dans la journée, il avait appris qu'Isabelle Gaston avait changé les serrures de la maison, après avoir consulté une avocate. Il en était fâché car c'était encore «sa maison» à lui aussi. «Tu veux la guerre, tu vas l'avoir», a-t-il dit à Mme Gaston, au téléphone.

Mme Gaston s'en allait faire du ski pour la fin de semaine et M. Turcotte avait les enfants. Il est allé les chercher à l'école et à la garderie, ils sont allés louer des films et sont rentrés à la maison de Piedmont, qu'il louait depuis sa séparation, le 26 janvier. Il a préparé le souper pendant que les enfants regardaient un film de Caillou. M. Turcotte était triste et pleurait sur le sofa. Olivier lui a fait un câlin pour le consoler. M. Turcotte se souvient être allé coucher les petits. Il pense que c'était vers 19h, mais ça ne correspond pas à la preuve. Il sait qu'il leur a raconté une histoire et qu'il a chanté des chansons. Les enfants ont été couchés dans leurs chambres respectives à l'étage. Après, il est descendu, est allé sur l'internet lire les messages qu'Isabelle Gaston avait échangés avec celui qui avait pris sa place dans le coeur de celle-ci, Martin Huot. Cela lui a fait mal, car il a constaté qu'ils s'aimaient. «Moi, je n'avais jamais vécu un amour comme ça avec Isabelle», a-t-il dit.

Désespoir

Déchiré, vidé, désespéré, M. Turcotte dit qu'il avait MAL, tellement MAL, que tout ce qu'il voulait à ce moment-là, c'était mourir. Il a commencé à faire des recherches sur le suicide sur l'internet. Il a cherché de l'antigel pour se suicider, mais n'en a pas trouvé dans le sous-sol de la maison. Il a trouvé du lave-glace, car il se revoit assis sur son lit, en train de boire le liquide. Il boit, il boit, se sent plein, et réalise qu'il va mourir, que ses enfants vont le trouver mort. Il ne veut pas cela et décide de les emmener avec lui. Il prend un couteau...

Il se revoit à autre moment, en train de boire du lave-glace dans la salle de bains. Il a du sang sur les mains, réalise qu'il fait mal aux enfants, cherche le couteau pour se le rentrer dans le coeur, mais ne le trouve pas. Le lendemain, il entend du bruit dans la maison, constate avec déception qu'il n'est pas mort. Il se lance en bas du lit et se cache dessous. «Comme si les policiers n'allaient pas me trouver», ironise-t-il.

Encore aujourd'hui, M. Turcotte n'arrive pas à comprendre comment il a pu tuer ses enfants. Au moment où il a abordé les meurtres des petits, hier, il pleurait beaucoup, et le juge a décrété une pause pour qu'il se ressaisisse. Son troublant récit a été livré devant une salle bondée, figée et muette.

Contre-interrogatoire

Depuis lundi, M. Turcotte répondait aux questions de son avocat, MPierre Poupart. En milieu d'après-midi, hier, c'était au tour du procureur de la Couronne René Verret de le questionner. 

Le ton était incisif, les questions étaient directes. MVerret a reproché à M. Turcotte d'avoir fait le procès d'Isabelle Gaston dans son témoignage, de l'avoir tenue responsable de ce qui était arrivé.

«Je voulais exprimer comment moi j'ai vécu ça, je m'excuse si ç'a été perçu comme ça», a répondu M. Turcotte, d'une voix piteuse.