En libérant Guy Turcotte dans l'attente de son deuxième procès, le tribunal a-t-il miné la confiance du public envers le système de justice ou a-t-il plutôt respecté les règles de droit et joué son rôle de «rempart» contre la «passion» et la «déraison» du public?

C'est ce que les juges Guy Gagnon, France Thibault et Martin Vauclair, de la Cour d'appel, ont à déterminer après avoir écouté les arguments du ministère public et de la défense.

La Cour d'appel a entendu hier après-midi la demande de révision de la décision du juge André Vincent. Le 12 septembre, ce dernier a accepté de remettre en liberté l'ex-cardiologue Guy Turcotte d'ici la tenue de son deuxième procès pour les meurtres de ses deux enfants, Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans, en 2009.

Me René Verret, qui représente le ministère public, estime que le juge Vincent a commis des «erreurs de droit importantes» dans son interprétation du critère de la nécessité de ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice.

Selon l'avocat, il s'agit d'une belle occasion pour la Cour d'appel de mieux définir le critère de la confiance du public envers la justice, un concept qui, selon lui, sème une certaine confusion parmi les juristes.

Pour illustrer la réaction du public devant la libération de Guy Turcotte, le ministère public a déposé en preuve des articles et des lettres ouvertes publiés à la suite de la décision du juge André Vincent.

Il a notamment cité une chronique de Patrick Lagacé publiée dans La Presse dans laquelle le chroniqueur se demande à qui pourrait bien s'appliquer le critère de la confiance du public envers le système de justice s'il ne s'applique pas au cas de Guy Turcotte. «Je fais mienne son opinion», a dit Me René Verret.

Me Pierre Poupart, qui défend Guy Turcotte, a plaidé que son client avait droit à la présomption d'innocence prévue dans la Charte des droits et libertés.

«M. Turcotte a droit aux mêmes droits que tous les êtres humains qui sont des sujets de justice», a-t-il dit. Selon lui, une partie de la société ne s'est pas renseignée adéquatement sur l'affaire Turcotte et réagit avec «émotivité». «Ça ne veut pas dire qu'elle a raison, a averti Me Poupart. Elle n'a pas raison. Le droit et les principes de droit ont raison, sont la raison.»

Clin d'oeil au ministère public, Pierre Poupart a pour sa part parlé d'une chronique de Pierre Foglia dans laquelle le chroniqueur parle du «contentement» de la population envers la tenue du nouveau procès de son client.

La Cour d'appel, qui a mis en délibéré la contestation de remise en liberté, doit rendre sa décision d'ici 30 jours.

En sortant de la salle d'audience, la mère des victimes, Isabelle Gaston, s'est dite surprise d'entendre brandir la Charte des droits et libertés alors que Guy Turcotte a admis avoir poignardé ses deux enfants.

Puis, elle s'est adressée à son ex-conjoint avec émotion.

«Guy, si tu regardes la télévision, je te souhaite de savourer la liberté, de regarder le soleil, les nuages, et de penser à tes enfants, ne serait-ce que pour eux, et non pas pour un système qui, à mon humble avis, ne fonctionne pas. Je te supplie d'aller chercher les raisons qui t'ont amené, dans ta personnalité, à commettre ces gestes-là.»

Rappelons qu'en 2011, Guy Turcotte a été reconnu non criminellement responsable en raison de troubles mentaux des gestes qu'il a commis le 21 février 2009. En novembre, la Cour d'appel a ordonné la tenue d'un nouveau procès.