«Envie de vomir», «dégueulasse» «Dexter [tueur en série d'une série télé] devrait exister pour des cas comme Guy Turcotte», voilà ce qu'on pouvait lire sur Twitter en réaction à la libération de Guy Turcotte. Aux yeux du gouvernement fédéral conservateur, il ne fait aucun doute que la décision du juge André Vincent mine la confiance des Canadiens envers le système de justice. Et pourtant, à contre-courant de l'indignation populaire, des experts estiment quant à eux que la position du juge est solidement argumentée et n'a rien d'étonnant.

«Je suis profondément troublé par la décision [...] cela est un affront à ses victimes et aux Canadiens qui respectent la loi, a affirmé le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu. Je me joins aux victimes et aux Québécois qui ont le bon sens de croire que ce meurtrier devrait rester en prison.»

Le sénateur conservateur Jean-Guy Dagenais s'est dit «déçu et inquiet». «La perception de la justice est ébranlée et en prend pour son rhume. On a imposé à Turcotte de nombreuses conditions, mais est-ce qu'on aura tous les outils pour s'assurer qu'il les respecte? J'ai des doutes.»

Le criminologue Jean-Claude Bernheim, qui est aussi un défenseur des droits des détenus, voit difficilement comment le juge aurait pu prendre la décision de garder l'accusé derrière les barreaux en attendant son deuxième procès. «Les balises étaient assez claires», dit-il.

Comme le souligne le criminaliste Jean-Claude Hébert, le juge devait être convaincu que l'accusé, même en liberté, se présentera de nouveau devant la justice quand s'amorcera son procès. Turcotte n'ayant jamais fui la justice dans le passé, ce critère a été réglé rapidement, d'autant que le juge a exigé des garanties, indique Me Hébert.

Le juge devait aussi être convaincu que M. Turcotte ne représentait pas de risque pour la société. «Turcotte a fait un long séjour à l'institut Pinel, il y a eu évaluation par-dessus évaluation, une décision de la Commission des examens des troubles mentaux, en plus des témoins... Il y avait une surabondance d'éléments pour lui permettre d'être satisfait concernant ce critère», précise Me Hébert.

La confiance du public

Reste le troisième critère, le plus longuement débattu, qui consiste à déterminer si la remise en liberté de l'accusé est susceptible de nuire à la confiance du public envers l'administration de la justice. «Ce n'est pas évident de déterminer et on ne peut simplifier en disant que le public est l'«opinion publique». C'est un standard qui n'est pas facile à cerner», explique-t-il.

Me Hébert ajoute toutefois que le jugement est étoffé et que le juge Vincent est un homme d'expérience respecté. «Je serais fort étonné que la Cour d'appel veuille réviser son jugement, car il faudrait que la Couronne démontre que le juge a agi avec légèreté ou arbitrairement.»

Et le droit des victimes?

Comment expliquer une fois de plus un tel décalage entre la réaction populaire et une décision judiciaire? M. Bernheim croit que le contexte politique a exacerbé les réactions. «Les conservateurs plaident pour le droit des victimes en l'opposant aux droits des accusés, et cela encourage les réactions populaires émotives», dit-il.

M. Bernheim accuse même les conservateurs d'instrumentaliser la douleur des victimes. «Les victimes doivent avoir le soutien pour récupérer, pour se rétablir. Il n'existe pas de droit de se venger», ajoute-t-il.

Mme Gaston n'a pas rappelé La Presse. Sur Facebook, plusieurs personnes ont écrit des mots de solidarité sur une page de soutien à la mère des deux enfants qui sont morts dans cette histoire. Le projet d'une marche de soutien a également été évoqué par quelques internautes, mais pour le moment, rien n'a été organisé.