Les personnes jugées criminellement non responsables ne sont ni acquittées ni condamnées: elles entrent dans une catégorie à part. Leur geste ne leur vaut pas de dossier criminel, mais elles n'échappent pas à la justice pour autant.

Héritage de l'Angleterre, la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux - autrefois appelée acquittement pour cause d'aliénation mentale - a toujours fait partie du Code criminel canadien, selon l'avocat criminaliste Jean-Claude Hébert.

L'accusé doit démontrer sa non-responsabilité en prouvant au tribunal qu'il n'était pas en mesure de comprendre ce qu'il faisait en raison d'une maladie mentale. «La personne peut choisir de venir s'expliquer, explique Me Hébert. Et surtout, des experts doivent expliquer qu'elle était dans un état de trouble mental.» C'est ce qui s'est passé au procès de Guy Turcotte, déclaré hier criminellement non responsable de la mort de ses deux enfants.

Les individus qui reçoivent ce verdict sont confiés à la Commission d'examen des troubles mentaux du Québec «Comme Guy Turcotte n'est pas condamné, il n'a pas de dossier criminel», souligne Me Hébert.

Trois possibilités

La Commission a trois possibilités: la libération sans condition, la libération conditionnelle ou la détention dans un hôpital. Le critère pour décider de détenir une personne est toujours le danger qu'elle représente pour le public, selon Me Sylvie Landreville, avocate de l'Institut Douglas. «Toutes les personnes qui se retrouvent à l'hôpital font l'objet d'un suivi étroit par une équipe, explique-t-elle. Des traitements cliniques sont déterminés et leur cause est réévaluée périodiquement.»

Les gens déclarés criminellement non responsables n'échappent donc pas à la justice, explique Anne Crocker, directrice et chercheuse à l'Institut Douglas et professeure de psychiatrie à l'Université McGill.

Elle souligne que, selon une étude en cours, les personnes qui sont jugées non responsables sont détenues plus longtemps en milieu hospitalier que si elles avaient été condamnées à la prison pour le même délit.

Au Québec, de 350 à 400 personnes sont déclarées criminellement non responsables pour cause de troubles mentaux chaque année. La plupart du temps, il y a consensus entre la défense et la Couronne. «Ce qui est plus rare, c'est que ce moyen soit contesté par la Couronne, comme dans le procès de Guy Turcotte», souligne Me Hébert.