Avec cette barbe qui lui donne des allures de barrister écossais du XIXe siècle, avec cette culture classique qu'il égrène dans ses plaidoiries, Pierre Poupart a l'air surgi d'une autre époque.

Ce n'est pas totalement faux, d'ailleurs. Malgré une clientèle où l'on compte maintenant plusieurs nantis, Pierre Poupart est resté dans l'âme un avocat de l'aide juridique, dont il a été l'un des pionniers, il y a 40 ans. Il a gardé dans le ton et dans le propos ce vieux côté radical-socialiste.

Méticuleux jusqu'à l'obsession, Pierre Poupart n'est pas un adepte du vite fait, bien fait. Ses interrogatoires sont longs; ses plaidoiries, tout autant. Passionnées par moment, assommantes de détails par d'autres.

Il peut passer du ton intime de la confidence à celui du sermon ou de l'injonction. On l'a vu, sentencieux, faire des leçons de droit à des juges - ce qui est très diversement apprécié. On l'a vu également jouer à fond la sympathie et l'humour. Le registre est large; l'impact, souvent maximal.

Jeune avocat, il a réussi à éviter l'extradition aux felquistes Allard et Charrette, qui avaient détourné un avion sur Cuba.

Cela devait mener à sa deuxième cause célèbre, celle du physicien italien Francesco Piperno, réfugié à Montréal. L'Italie voulait le rapatrier pour cause de complicité présumée avec les Brigades rouges, groupe terroriste communiste qui avait enlevé et assassiné le premier ministre Aldo Moro. L'affaire s'est rendue jusqu'en Cour suprême, et Piperno a pu demeurer à Montréal.

«Je ne défends ni les crimes ni les criminels, mais la présomption d'innocence», a-t-il coutume de dire. Il n'y a pas de démocratie si l'État et la police ne sont pas tenus à de hauts critères, et son travail est de le leur rappeler. S'il ne reste qu'un contradicteur de l'État, ce pourrait être Pierre Poupart - ou son frère Guy, qui était à ses côtés pendant le procès Turcotte et qui, s'il n'est pas aussi coloré, est tout aussi passionnément engagé dans cette profession et respecté.

Pas besoin de s'étendre sur le divan du psy pour savoir pourquoi trois frères Poupart sont avocats de la défense, a-t-il récemment expliqué au Devoir: son père, comptable, est devenu invalide après avoir reçu des balles perdues tirées par un policier lors d'un vol à main armée. M. Poupart était tenu en joue par le voleur, mais le policier a quand même tiré dans sa direction. Roger Poupart a poursuivi le corps de police jusqu'en Cour suprême, qui a blanchi le policier.

Le sentiment de révolte devant les injustices et les abus policiers n'est pas une vue de l'esprit, chez le criminaliste de 64 ans. C'est ancré au plus profond.

Pierre Poupart peut revendiquer l'un des acquittements les plus inattendus des 25 dernières années - celui de Marc Bissonnette, chirurgien plasticien accusé d'agression sexuelle en 1994. Pour une rare fois, ce n'était pas la parole de la plaignante contre celle de l'accusé: un témoin avait vu la scène. Pierre Poupart avait semé le doute malgré tout.

Déjà très coté dans le milieu, cet acquittement a fait de lui l'un des avocats les plus recherchés en ville.

Il a défendu Gilbert Rozon dans une affaire d'attouchements sexuels et a obtenu l'absolution. Il a défendu des politiciens, le président du syndicat des cols bleus, plusieurs médecins... La liste est longue. On devrait y ajouter des centaines de purs inconnus sans le sou.

Comme tous les avocats de la défense, il perd plus de causes qu'il n'en gagne. Mais quand les procureurs le voient débarquer dans un dossier, avec sa voix douce et ses bonnes manières, ils ne s'y trompent pas: la partie sera difficile.

C'est un cartésien qui ne laisse rien passer. C'est aussi un humaniste qui, s'il parle longtemps, longtemps... le fait avec son coeur.

Un mélange rare, complexe et redoutable.