Guy Turcotte était un bon médecin, un bon père de famille, il n'avait pas d'antécédent judiciaire ni de problème de consommation de stupéfiants. Mais le connaissait-on vraiment?



C'est la question qu'a posée la procureure de la Couronne Claudia Carbonneau, mercredi matin, alors qu'elle plaidait devant le jury chargé de décider du sort de M. Turcotte, accusé des meurtres prémédités de ses deux enfants.

Me Carbonneau a rappelé que celui qui était cardiologue au moment des faits a admis dès le début du procès qu'il avait causé la mort de ses enfants et que, ce faisant, il a commis un acte illégal.

S'il y a eu procès, c'est qu'il n'admet pas les deux autres éléments essentiels du meurtre prémédité: l'intention coupable de causer la mort, l'avoir fait avec préméditation et de propos délibéré. Turcotte soutient qu'il était dérangé mentalement quand il a commis les terribles gestes qui ont coûté la vie à Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans, le 20 février 2009, et qu'il n'était pas en mesure d'apprécier la nature ni la portée de ses gestes.

Le drame s'est produit dans la maison de Piedmont qu'il louait depuis sa séparation d'avec sa conjointe, Isabelle Gaston, survenue trois semaines auparavant.

«J'ai tué mes enfants»

Me Carbonneau a fait ressortir hier des éléments de preuve qui, selon elle, démontrent que M. Turcotte était très conscient et maître de ses gestes le soir du drame, de même que le lendemain, lorsque les policiers sont arrivés sur les lieux.

De la même façon, il était orienté dans l'ambulance et à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, où il a verbalisé différentes choses comme: «Je sais ce que j'ai fait. J'ai tué mes enfants. J'aurais jamais dû tuer mes enfants... C'est arrivé hier à 8 h... J'ai fait ça ce matin...»

Me Carbonneau a rappelé que M. Turcotte reconnaissait ses collègues à l'hôpital, et qu'il a même donné de mémoire des numéros de téléphone pour joindre un de ses frères, sa mère, et Luc Tanguay, son coach de vie.

«Il fallait qu'il se souvienne, il n'était pas décroché de son environnement. Il était capable de réfléchir, de se souvenir», a soutenu l'avocate.

Me Carbonneau convient que M. Turcotte souffrait d'un trouble d'adaptation avec anxiété et humeur dépressive au moment des événements, puisque tous les psychiatres s'entendent sur ce diagnostic. «Mais ce n'est pas parce qu'il y a maladie mentale que nécessairement la personne n'est pas responsable de ses actes», a-t-elle lancé.

Colère

Le psychiatre Sylvain Faucher, amené à la barre par la Couronne, a parlé d'un débordement d'émotions, qui ont amené M. Turcotte à faire ce qu'il a fait. Parmi elles, il y avait la colère. «Il n'y avait pas juste de la colère, mais il y en avait», a insisté Me Carbonneau, qui a livré sa plaidoirie en moins de deux heures. Me Pierre Poupart, avocat de l'accusé, a livré la sienne en trois jours et demi, la semaine dernière.

Quatre possibilités

Dans l'après-midi, hier, le juge Marc David a commencé à donner ses directives au jury. Les sept femmes et quatre hommes devront décider entre la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, le meurtre au premier degré, le meurtre au deuxième degré, ou l'homicide involontaire.

Dans un premier temps, le jury devra décider si le trouble mental dont souffrait M. Turcotte l'empêchait de juger de la qualité et de la nature de ses actes. Si oui, le jury n'aura pas à aller plus loin dans ses délibérations. M. Turcotte serait alors déclaré non responsable criminellement pour cause de troubles mentaux.

Le juge David a indiqué que cela ne signifierait pas une libération pour M. Turcotte. Il resterait sous la garde d'un établissement psychiatrique, et son cas serait évalué par une commission d'examen formée entre autres de psychiatres. Il reviendrait à cette commission de décider quand M. Turcotte recouvrerait la liberté. Le juge a avisé le jury qu'il n'avait pas à se soucier de ce qu'il advenait de l'accusé après. Cette directive s'applique aussi pour les autres verdicts possibles.

Le juge poursuivra ses directives ce matin. Immédiatement après, le jury commencera à délibérer.